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Le rocher du diable

Je plonge mon bras dans la fente et ce que ma main rencontre n’a rien à voir avec un pinceau, je palpe l’objet dans le fond du trou, l’impression que c’est un carnet ou un… portefeuille.

- Vous l’avez ?

- Pas encore c’est assez profond.

- Vous voulez que j’essaye ?

Je me saisis de l’objet de la main gauche, le maintiens dans le trou pendant que j’explore les recoins avec la droite, ouf ! Le pinceau est découvert, je le remonte et le tend à Alain avant de replonger. J’aimerais que mon compagnon tourne la tête et c’est le galop d’un cheval qui me sauve. C’est un portefeuille en effet,  prestement je le glisse  dans ma poche.

- Que faites-vous perchés là-haut, vous voulez déjà transporter des pierres pour réparer le pont ?

Albertine saute de sa monture.

- Remarquez cet imbécile a fait une bonne action cette fois, je craignais que ce ponceau s’écroule un jour sur le passage du 4/4, nous allons pouvoir le remettre en état et en profiter pour le consolider...vous avez vu par où il est passé ?

- Non,  toujours à la même place je suppose, je reviendrai avec les outils pour refermer le grillage.

- Voyez un peu le personnage, si nous avions le temps, je vous montrerais sa précédente exaction, il a abattu un arbre sous prétexte qu’il faisait de l’ombre à sa prairie, un marronnier plusieurs fois séculaire, un véritable meurtre...nous comptons vous revoir rapidement, montez-vous monsieur Passy?

J’avoue que j’aime les chevaux, qu’étant gosse j’adorais me promener sur le dos d’un poney mais depuis...

- Quand vous voulez, je peux vous offrir quelques leçons.

L’amazone me transperce d’un regard au laser, son adjoint s’est esquivé et je me retrouve face à un problème imprévu.

- Promis, je reviendrai et je ferai une tentative.

La demoiselle de cinquante ans m’avait parlé de sa naïveté passée, elle a été remplacé par une audace que j’ai rarement eu l’occasion de rencontrer, à part dans certains bars. Elle s’était approchée à portée de bras et son sourire enjôleur me faisait craindre une défaillance de ma part. Pour ne pas perdre la face, je n’avais qu’une solution, et le baiser  risquait d’avoir des prolongements logiques si  les cris d’Alain n’avaient mis un terme à des actions conjuguées humainement naturelles.

- Tu es malade !

Mécontente la cavalière, son adjoint a rapidement compris la situation.

- Excusez-moi, le 4/4, deux roues crevées.

Albertine détache son cheval.

- Tu as une roue de secours au moins ?

- Oui mais...

- J’ai compris, je ne suis pas idiote, deux roues à plat, je reviens avec le tracteur et une autre.

Je craignais...ou espérais qu’elle envoie Alain, dans ce cas, je me serais trouvé devant un sérieux dilemme. Albertine suivait le cheminement de mes pensées.

- Laristan ne supporte que ma monte...à tout à l’heure.

Le portefeuille un peu humide donne une sensation de fraîcheur sur ma cuisse, il faut que j’examine son contenu afin de  savoir à qui il appartient, mais j’ai déjà une petite idée.

 Nous revenons vers le véhicule, il penche lamentablement d’un côté.

- C’est un coup d’Hubert ou de Maurice, le frère d’Océane, un poivrot  que le maître garde  à la ferme pour accomplir les basses besognes.

Je m’isole en simulant un besoin pressant pendant qu’Alain commence à changer une roue. Mes suppositions sont confirmées, l’inventaire du portefeuille est édifiant, dix  billets de cinq cents francs sentant encore le neuf, une photo de Véronique,  permis de conduire, carte d’électeur, carte d’identité et autres documents au nom de Jacques Léonardin. Je vais confier cette trouvaille à l’adjudant Marchaux et lui demander ce qu’il en pense.

J’aide Alain, la première roue est changée, nous démontons la seconde, un bruit de tracteur nous parvient.

- Monsieur Léonardin est venu dans ce secteur ?

Alain sursaute.

- Au domaine oui, plusieurs fois, possible qu’il soit également venu dans les parages, mais pas avec moi.

La gêne du jeune homme est réelle, et si la belle Albertine avait entraîné l’ingénieur dans le chemin creux pour faire son numéro de séductrice ?

- Et le pinceau ?

- Chut, n’en parlez surtout pas à mademoiselle Dubuisson, je l’ai caché derrière un tronc d’arbre quand elle est arrivée, tout ce qui vient de l’autre côté lui donne des boutons.

- Vous pensez le rendre ?

- J’irais le poser sur le rocher, Océane saura le récupérer.

La seconde roue vient d’arriver.

- Je retourne à la maison, cette fois je vais déposer  plainte, les pneus sont bien entaillés, ils sont fichus.

 

Je prends rapidement congé des habitants des Barrettes, si Albertine se montre aimable et correcte, son offre  de leçons gratuites n’est pas renouvelée.

…………

 



26/08/2011
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