Le grand verger (suite)
-Tu es réglo toi, où m’emmènes-tu, une grande virée, j’adore la vitesse, suis-je suffisamment vêtue?
Je me demande où elle a dégoté cette combinaison de mécanicien, elle flotte dedans mais au moins elle sera protégée du vent.
- Tiens mets ce casque.
- Je vais être affreuse avec ce machin sur la tête.
- Pire, tu es magnifique, accroche-toi.
Je laisse de la gomme au démarrage, pousse les vitesses au maximum, traverse Souvilly sans décélérer, ma Norton a le feu aux fesses, ma passagère aussi, elle a adopté la position idéale, complètement en avant sur le siège, elle me cramponne à bras le corps, ses cuisses contre mes fesses, sa tête près de la mienne. De temps en temps je l’entends pousser des petits cris de contentement. Reuilles et sa ligne droite son vite avalés, les premières maisons de Farennes se présentent et j’hésite entre deux directions, prendre vers la gauche et faire le circuit en passant par le Vieux Four et revenir sur Montclair nous ferait traverser trop de localités, traverser le bourg de Farennes et revenir vers Labréville via le carrefour de Prévocourt, en prévoyant une halte éventuelle dans un chalet bien connu me semble le plus judicieux. Seul danger les gendarmes du bourg qu’il ne faut pas déranger, j’ai déjà eu deux remontrances, ils m’ont promis de sévir la prochaine fois que je commettrais un excès de vitesse. Je suis raisonnable dans les rues mais rattrape le temps perdu dès la dernière habitation, malgré le vent assez violent de face, la route bosselée est vite avalée et nous enfonçons dans la forêt défeuillée et triste. Le chemin du chalet est glissant, je bloque mes genoux contre le réservoir pour éviter la cabriole. Les risques encourus ont probablement excité ma passagère, elle met autant d’ardeur que moi à faire sauter la serrure.
Le canapé est nouveau, les chasseurs ont eu une bonne idée car l’autre était avachi et il m’aurait fait penser à Albert.
Nénette et sa longue expérience, Jacqueline et sa volupté n’auraient rien à apprendre à cette jeune fille de dix huit ans.
- J’aime les hommes je l’avoue et puis j’ai de l’appétit pour deux, tu comprends, ma sœur se voile la face rien qu’en voyant le mollet d’un garçon, la pauvre idiote elle ne sait pas ce qu’elle rate.
Hélène remonte la fermeture de sa combinaison d’un geste rapide, la séance est terminée alors que j’aurais aimé prolonger.
- Un peu frisquet tout de même dans cette cabane, tu sembles bien la connaître, es-tu un habitué?
- J’ai déposé un malade ici, il était en train de mourir sur le bord du fossé.
- Tu es capable de faire de bonnes actions, j’ai toujours entendu dire que les gens riches ont le cœur sec.
- Tu fais partie de cette catégorie.
- Nous n’avons pas ta fortune ni ton prestige, Roger dit que dans l’industrie il suffit d’un grain de sable pour enrayer une belle mécanique.
- Tu as eu beaucoup d’amants avant moi?
- Quelle importance, je vis au jour le jour, je me moque du passé, j’ai oublié.
- Comme tu vas m’oublier.
- Possible, attendons la fin des vacances.
- Et tu aimes les hommes uniquement pour ça?
- Surtout pour ça, mais je veux choisir, je tiens à ma liberté.
- Tu penses te marier un jour?
- C’est une question que j’évite de me poser, d’ailleurs, je me demande si je serais fidèle au même bonhomme pendant plusieurs années.
Hélène veut me démontrer que la femme est l’égale de l’homme, que la domination masculine a assez duré.
- Nous pouvons accéder aux métiers jusqu’alors réservés à tes semblables, j’aimerais être journaliste, parcourir le vaste monde à traquer les événements...tu as un bureau au sommet d’un donjon, tu me feras visiter ce repaire.
- Tu es bien informée, quand tu veux, demain à la même heure, je passe te prendre chez toi. Tout-à l’heure, après déjeuner, c’est ton oncle que je vais rencontrer.
- Mon pauvre ami, les choses sérieuses commencent, allez en route, il fait frisquet dans cette forêt.
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