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Le prisonnier Allemand

Le prisonnier Allemand

 

De nombreux Français ont été prisonniers en Allemagne et la majorité y est restée au moins quatre ans. En 1944, c'était au tour des Allemands d'être capturés par les troupes alliées. En France, ces prisonniers ont été employés dans diverses branches de l'économie dont l'agriculture. Chaque ferme avait « droit », suivant son importance à un ouvrier, ou deux, voire plus. Mon grand-père devait en choisir un parmi les prisonniers affectés au village. Les Allemands étaient rassemblés devant la mairie et par tirage au sort, chaque agriculteur choisissait le sien. Quand ce fut le tour de grand-père, alors qu'il ne restait que six prisonniers, il me dit de choisir. Naturellement, les plus jeunes et ceux qui paraissaient les plus vaillants avaient été sélectionnés, mais je n'étais pas l'embarras, j'avais remarqué, en arrivant, un homme me paraissant sympathique et surtout pas arrogant comme d'autres. Il se tenait un peu à l'écart et baissait la tête d'un air malheureux. Mon choix n'était pas du goût de grand-père, mais il ne pouvait revenir sur sa décision. Après quelques formalités, nous prenions le chemin de la ferme située à proximité. Grand-père examinait la fiche de son nouvel ouvrier et paraissait étonné.

-Vous, Jean Laval ?

-Oui monsieur, mon nom est bien Laval, mon prénom Jean.

-Mais vous parlez français ?

-Depuis mon enfance, cette langue a été préservée dans notre famille.

L'homme avait un léger accent mais s'exprimait parfaitement dans notre langue et il nous semblait érudit.

Avant d'arriver, nous apprenions qu'il habitait en Sarre, qu'il était ingénieur dans une société métallurgique, qu'il avait quarante-et-un, qu'il était marié et qu'il avait deux enfants

-Une fille de dix-neuf ans et un fils de seize ans.

C'est en buvant un café qu'il nous expliquait que ses ancêtres étaient Français.

-Des huguenots exilés.

Ma mère avait remarqué ses mains soignées et sa grande politesse.

-Ce n'est pas dans une ferme qu'il devrait travailler, c'est ridicule.

Le lendemain matin, Jean était au travail, affecté au nettoyage de l'étable et de l'écurie

Il n'était pas adroit mais il avait de la bonne volonté, maniant la fourche et roulant la brouette.

J'étais venu le voir et il me faisait pitié car il semblait souffrir.

En effet, le pauvre homme avait les mains trop tendres et il avait vite attrapé des ampoules.

-Fallait demander des gants, je dois en avoir une paire quelque part.

Grand-père le sermonnait mais c'était trop tard, le mal était fait.

Inutile de dire que le lendemain il était exempt de nettoyage, les jours suivants aussi, il se rendait utile en donnant à manger aux lapins, à la volaille, au cochon, en rentrant le bois.

Il nous parlait de sa vie en Sarre, de sa famille, de son travail, il espérait renter bien vite chez lui.

Il discutait avec grand-père, parlant de littérature, il affectionnait les auteurs francophones, chaque soir je l'embrassais avant d'aller au lit.

Il est resté deux semaines seulement, libéré en raison de son âge, de son métier et du fait qu'il habitait en Sarre.

Je crois que grand-père a eu quelques contacts avec lui par la suite.

 

(Extrait des souvenirs d'un enfant durant la seconde guerre)



16/01/2010
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