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Le moulin des ombres

Je zappe le rendez-vous que le juge Leblanc vient de fixer à la presse, j'ai déjà les informations qu'il va annoncer et ce genre de réunion me déplaît. Comme  bon nombre de ses confrères, le juge va privilégier nos amis de la télévision, le regard fixé vers la caméra, il débitera son monologue. Les questions que quelques courageux  vont lui poser ne trouveront aucun écho valable. Louis Girard a reconnu l'infanticide mais nie toujours les autres crimes, pourtant les preuves accumulées contre lui concernant la mort de Maurice Langret ne font aucun doute mais ce sont surtout les aveux de Michèle Derenne la tenancière du Cérigo qui l'accablent. Mimi n'est pas innocente, c'est elle qui a attiré le boiteux dans la grange, lui faisant espérer un moment agréable. Pourtant, elle se défend d'avoir participé au crime, déclare que Louis voulait simplement s'expliquer avec Maurice sans avoir l'intention de le tuer. Quelques vérifications sur les comptes bancaires de la dame démontraient qu'elle avait déposé une somme de cinq mille francs quelques jours après l'incendie, sachant que le handicapé gardait souvent de l'argent liquide sur lui, il serait exagéré de supposer que Maurice aurait remis une telle somme  pour quelques minutes de plaisir. La confrontation entre Louis et Michèle débouchait sur des aveux et, dans la foulée, Girard avouait avoir eu une altercation avec Armand Mangoni dans l'atelier de menuiserie. Lors de la rixe, le menuisier était tombé en arrière et sa tête avait heurtée  le rebord de la raboteuse, il était mort sur le coup. Il était revenu à la nuit tombée, avait tout d'abord transporté la meule au bord du bief, puis le corps. Par contre, il niait formellement avoir assassiné l'inconnu supposé être Fabien.

J'avais recueilli toutes ces informations tard dans la nuit avant qu'elles soient dévoilées officiellement  et nous étions les premiers à les annoncer le lendemain. 

 

Le moulin de la Brèche est maudit, un nouveau drame était évité de justesse, je fonçais sur place, accompagné de Benoît et de son appareil photo.  La sœur de Guy Delvaux, Marie-Louise Schuller avait failli se noyer dans le bief. Nous croisons le fourgon des gendarmes un peu avant Lannois, ils me reconnaissent et s'arrêtent quelques mètres plus loin.

- Drôle d'histoire, la brave dame a glissé sur la passerelle et a plongé la tête la première dans le bief.

- Elle sait nager?

- Je ne lui ai pas demandé, mais j'en doute, elle a été repêchée aussitôt par le fils Lemoine, le costaud à la tête de gorille, un sacré nageur, elle est choquée et a été emmenée à la clinique des Coteaux. Tentative de suicide d'après sa belle-sœur, la dame était dépressive et les Delvaux craignaient ce genre d'issue, la porte arrière était généralement fermée à clé.

- Norbert Lemoine était aux aguets?

- Faut croire, c'est son sport favori, impossible de savoir ce qui s'est réellement passé, il est tout fier d'avoir remonté madame Schuller sur le bord et ne parle que de la dame en blanc qui flottait dans l'eau.

Je  présente le moulin et Lannois à mon collègue photographe, il prend quelques clichés des lieux et nous reprenons la route.

Nous avons bien fait de ne pas nous attarder, à peine au bureau, je reçois un coup de fil du capitaine Verlet.

- Girard est dans le coma, il était dans le bureau du juge, il a réussi à s'échapper, avant qu'il ne soit rattrapé, il a été happé par un bus.

- Tentative d'évasion ou tentative de suicide?

- Le chauffeur affirme que l'homme est sorti sans vraiment de précipitation, qu'il a jeté un coup d'œil en direction du bus et qu'il traversé en continuant à le fixer, je vous tiens au courant de l'évolution.

 

La nouvelle de la mort de Louis Girard arrivait à peine deux heures après le coup de fil du capitaine.  Aussitôt, j'essayais de joindre l'officier, impossible, je me contentais de l'adjudant Gobert.

- La mort de Girard va marquer la fin de cette triste histoire, c'est tout ce que je peux vous dire.

 

Je ne m'attendais pas à entendre Annie Lemoine, elle voulait me faire part de ses états d'âme.

- La meilleure action qu'il vient d'accomplir, disparaître à tout jamais, j'ose avouer que je suis soulagée.

J'avais des nouvelles de Marie-Louise Schuller, elle était sortie de sa léthargie et dirigée vers une clinique parisienne, elle se souvenait avoir glissé sur les madriers humides mais se défendait d'avoir plongé volontairement, elle aurait voulu recevoir son sauveur, le féliciter ; son frère, très attentionné lui avait déconseillé, la vue de Norbert pouvait lui procurer un nouveau choc.

Dans mon dernier papier, je ne manquais pas de souligner que le dernier meurtre restait encore mystérieux, Girard n'avait pas avoué le crime et la victime n'était pas encore identifiée.

L'invitation pressante de Verlet me laissait supposer que monsieur le Juge rejetait mes conclusions.

J'étais à côté de la plaque.

- Primo, je vous ai préparé un communiqué de presse concernant les aveux de Girard et les circonstances de sa mort.

- Secundo?

- Toujours pressé...monsieur le juge vient de décréter que le noyé assassiné n'est pas Fabien Mangoni.

- Il a des preuves, les fractures?

- Non, plus compliqué, un détail avait échappé lors de la première nécrospie, je vous lis le rapport: sujet atteint d'épicondylite bras gauche...en clair, notre homme souffrait d'un tennis-elbow, conclusion, c'était un joueur de tennis assidu et gaucher de surcroît.

- Alors que Fabien Mangoni joue au badminton et qu'il est droitier.

- Droitier c'est confirmé, badminton c'est moins sur; en attendant, Interpol remet la gomme, cet escroc de haut vol est encore en Europe et l'assassinat a été organisé et monté pour le faire disparaître officiellement.

- J'avais donc raison, autre victime et autre assassin.

- La dame du square Verdi, impossible de retrouver sa trace.

Je donne l'information concernant le foulard.

- Je vais aller rendre visite à Léa,  je suis client chez elle, il ne faut rien négliger, vous auriez pu me le dire avant?

- Si vous m'aviez signalé votre échec concernant la dame à la cicatrice.

Je parle également des casquettes retrouvées par Norbert flottant dans les eaux de la ballastière.

- Il ne repêche pas que des femmes votre ami, et si d'autres cartons se trouvaient dans la vase, remplis de clubs de golf et de boules de pétanques?

- Et si un véhicule était autour?                                                                                        -     

- Cette fois, impossible d'assécher cette cuvette, il nous faudrait du matériel de détection sophistiqué, je vais voir ce que je peux faire.



08/04/2011
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