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Le grand verger (suite)

Sur le côté, se trouve un enclos grillagé où s'ébattent des volailles, plus loin, des chèvres broutent les branches d'un arbuste; mais c'est la cheminée qui attire mon regard, elle fume, des volutes  blanches s'élèvent dans l'air frais du matin, l'autre est donc déjà revenu, ou alors ?

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Je suis tante Alice des yeux, elle vient de gravir les quelques marches de bois qui mènent à la porte d'entrée, elle frappe à grands coups et crie.

- C'est moi, Alice Montcy.

Rien ne bouge ...si, je viens de voir un rideau se soulever, il retombe aussitôt.

- Ouvre Maria, ton homme va bien.

Je guette l'entrée, ma tante recommence ses suppliques puis finalement  pousse la porte d'entrée et disparait.

Le temps me semble bien long, je m'inquiète, si une femme habite dans un tel endroit, c'est certainement une folle, Alice est tombée dans un guet-apens...Je m'approche avec prudence.

- Viens Olivier, Maria accepte de te recevoir

Ma tante vient de réapparaître, elle n'est plus seule, une dame aux longs cheveux l'accompagne, une fée...je bondis... la fée s'est transformée, sans avoir l'allure d'une sorcière, la dame est maigre, ses cheveux gris entourent un visage blafard aux pommettes saillantes, ses yeux sont glauques, son sourire s'apparente à un rictus, sa blouse est rapiécée un peu partout, elle est chaussée de sandales en toile.

- Parle un peu Olivier, raconte comment tu as découvert Albert.

J'ignorais le prénom du bonhomme, c'est la première fois que je l'entends...je me le demande...ma mère l'a déjà prononcé...ce devait être celui d'un cousin.

Je raconte les péripéties de mon étrange découverte, la mise à l'abri dans le chalet, l'intervention du docteur. De grosses larmes coulent sur les joues de la dame, ses mains tremblent.

- Maria ne te distingue pas vraiment, la lumière du jour l'aveugle, elle est restée longtemps enfermée, je te raconterai.

- Merci monsieur Olivier, vous sauvé Albert et  moi aussi, sans lui, moi  mourir.

Je reconnais l'accent de Maria, pendant l'occupation, les allemands employaient de nombreux Polonais dans une ferme réquisitionnée, surtout des femmes et des vieux, beaucoup  assistaient à la messe dominicale et monsieur le curé essayait de leur parler à la sortie.

- C'est Olivier qui t'apportera des nouvelles d'Albert, si tu as besoin de quelque chose tu lui demandes, il est en vacances et c'est un jeune homme charitable.

- Rien besoin madame Alice, moi tout avoir ici, c'est traire chèvres pour moi difficile, faut avoir bons yeux.

- Alors là ne compte surtout pas sur mon neveu pour traire tes gailles, il ignore où se trouve le pis.

Tante Alice exagère, je suis né à la campagne tout de même; il est vrai que j'avais essayé de traire une vache et que j'en garde un souvenir cinglant, j'avais reçu un coup de queue magistral, la bête ne supportait pas la pression de mes mains inexpertes. L'appendice caudal de la chèvre est nettement moins important, les risques sont moindres, j'aimerais faire une tentative.

- Tu as le temps ce matin mon petit Olivier?

- Rien d'autre en prévision, ma chère tantine.

 

Amusant et pas désagréable,  je suis lent mais le niveau de lait chaud et odorant monte dans la casserole, pendant qu'Alice plus expérimentée s'occupe des trois autres, la biquette qui m'a été attribuée est heureuse que je m'intéresse à elle, tournant la tête vers moi, elle bêle langoureusement.

- Elle te fait les yeux doux, tu vois tu plais aux femelles...cela me rappelle ma jeunesse, tu sais je n'habitais pas encore un château, nous avions des chèvres et des moutons dans nos montagnes Jurassiennes.

Maria nous invite à entrer dans la maison, j'hésite, une odeur un peu âcre flotte dans la pièce sombre, je refuse le verre de cidre, non pour le breuvage mais l'aspect du verre me déplaît, il doit dater du temps de la verrerie tellement il est opaque.

- Toi pas aimer  cidre, Albert lui pressé avant-hier premières pommes.

Je résiste à la tentation pourtant je l'aime le cidre frais, chaque année, dans le grand verger, je ramasse pommes et poires avec grand-père, je m'abreuve du jus sucré et onctueux sortant du pressoir sans penser aux conséquences désastreuses, mes intestins fragiles m'obligent à battre des records de vitesse pour filer aux toilettes

J'ai hâte de me retrouver en tête-à-tête avec Alice, j'ai de nombreuses questions à lui poser, sa conversation avec Maria prouve qu'elle a bien connu cette dame et son Albert.



24/10/2010
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