Motsetphotos

Motsetphotos

Le grand verger (suite)

Je monte au grand verger,  pénètre dans la cabane, regarde la fameuse scie. Il fallait être fou pour avoir eu l’idée de se taillader le poignet avec un tel engin...J’ai l’impression que l’odeur de tante Alice flotte encore dans cet endroit. Le portemanteau en bois sculpté supporte des canadiennes, des vestes de toutes sortes, le ciré jaune de grand-père est toujours en bonne place, il faudra que je m’en serve, j’aimais le voir dans ce vêtement de pluie, il avait l’allure d’un vieux loup de mer. Sur la tablette du haut, plusieurs chapeaux d’homme et de femme, des toiles d’araignée les entourent…un chapeau blanc avec un ruban rose!

Dans la cour, je croise Béatrice.

- Où cours-tu de si bon cœur?

- Je t’expliquerai.

- J’ai à te parler sérieusement.

- Attends, je vais dans mon pigeonnier et je reviens.

L’aller et retour s’effectuent rapidement, ma cousine me suit dans la dernière étape.

- Tout à fait identique, il se raccorde parfaitement.

Le morceau de ruban rose provient de ce chapeau, sans aucun doute.

- A qui appartient ce chapeau, voilà la question mon cousin.

- A grand-mère.

- Non, elle ne portait que des chapeaux noirs, au jardin, au verger, à l’église, élégants mais uniquement noirs.

- A ta mère.

- Ou à la tienne...je te cherchais, en parlant de ma mère…. la bague, elle me dit qu’il faut chercher dans les coupes, tu sais celles que grand-père avait gagnées au ball-trap avant guerre, il avait la fâcheuse habitude d’y dissimuler certains objets.

- Je les ai secouées pourtant, aucun tintement.

- Vous les hommes, pour fouiller.

Nous montons dans la tour et, juché sur un tabouret, je descends les coupes. Je m’arrête à la quatrième, un bruit nous signale que nous brûlons. Confirmation en retournant le trophée, une bague s’en échappe.

- Mon Dieu la merveille.

La pierre enchâssée brille de mille facettes.

- Superbe.

Béa est en extase, j’avoue que je partage ne pas tellement son enthousiasme, mes belles billes en agate étaient encore plus jolies.

- Une fortune, papa avait raison, une fortune.

Pour moi le luxe, c’est une belle voiture, une belle demeure, un yacht mais pas un caillou, fut-il brillant.

Béa s’empresse de l’enfiler.

- Un peu grande, même au majeur, c’est bien dommage, j’aurais fait mourir de jalousie les cousines de Vincent, ces deux vipères.

C’est beau tout de même, ces petits miroirs qui scintillent tels des étoiles.

- En attendant, tu es un piètre chercheur de trésor, il était sous ton nez, tu pouvais éviter la gifle.

J’accepte le reproche, toutefois, je suis persuadé que ce bijou ne se trouvait pas dans la coupe lors de mon inventaire. Qui l’a placé depuis ma fouille? Alice doit le savoir, c’est elle qui provoque cette seconde investigation. Et si grand-père avait offert ce diamant à ma mère et que la colère de Charles l’oblige à le rendre ?

J’imagine l’embarras de ma mère, Alice était au courant vraisemblablement.

Je fais part de mes réflexions à Béa.

-C’est plausible, mais tu fermes à clé… Thérèse… elle est venue faire la poussière hier, elle a un double.

Thérèse, la femme d’André s’occupait du ménage du logement de grand-père ainsi que de la tour, dévouée à la famille, elle a peut-être été missionnée pour effectuer ce retour.

-Ou bien Jacqueline, elle est rentrée de vacances depuis quelques jours.

Jacqueline, la fille d’André et de Thérèse est femme de ménage chez le notaire de Montclair, quand elle est au domaine, il lui arrive de remplacer sa mère.

 

- Nous allons remettre cette merveille au grand chef, sa place est dans un coffre, à la banque,  celui de grand-père est une vulgaire caisse facilement vulnérable.

- Toi l’experte, tu l’estimes à combien?

- Cher, très cher, dix millions.

- Dix millions, tu es folle, le prix de dix voitures.

- Tu ramènes tout au prix de la ferraille, tu es décevant Olivier Montcy.

 

Oncle Charles me semble peu convaincu, son regard inquisiteur me dérange. Tout de même, il montre sa joie de pouvoir tenir cette bague dans la main.

- Savez-vous comment j’ai appris l’existence de cette bague? C’est une histoire invraisemblable, figurez-vous que c’est en captivité, deux jours après mon ... notre...

- Votre lamentable reddition.

- J’aurais bien voulu te voir à notre place galopin, mourir jusqu’au dernier souffle? à quoi bon, nous savions que l’affaire était consommée, notre sacrifice n’aurait servi à rien...Donc où en étais-je? oui, je me présente à un colonel des dragons « Montcy, ce nom ne m’est pas inconnu, je suis bijoutier à Paris, l’un de mes derniers  clients était un dénommé Montcy, il nous a acheté un diamant monté sur une bague, une jolie pièce » Le colonel me décrit son acheteur, avec sa moustache bien taillée, ses cheveux poivre et sel coupés en brosse, son ruban de la légion d’honneur, enfin aucun doute possible, il s’agissait bien de papa.

- Tu n’étais pas au courant?

- Bien sur que nom, il l'avait payé en liquide, comme je vous l’avais dit, il possédait probablement un pécule en billets de banque, il a bien fait de l’échanger contre cette pierre, ses grosses coupures seraient devenues du papier journal.

- Tu sais quel  prix cette merveille a été payée papa?

- Tu penses bien que j’ai questionné le bijoutier, rien à faire, il a tenu a conserver le secret, je vais la faire expertiser.

- Vous n’avez  pas la vendre j’espère.

En prononçant cette phrase, maman me semble émue, je suis convaincu que ma supposition tient debout.

- Trésor de guerre, qui sait, il nous sera peut-être utile un jour.

……………..



19/12/2010
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 10 autres membres