Le grand verger (suite)
Les Suisses en général et monsieur Channaz en particulier ont de la suite dans les idées, une visite de la dame de la Croix-Rouge est prévue pour le samedi 19 septembre. La semaine d’attente est terrible, je suis anxieux.
A l’approche de ce jour que je considère comme capital, je constate que maman est à peine plus nerveuse qu’habituellement, elle doit savoir masquer ses états d’âme, si je pouvais connaître ses secrets.
La splendide limousine blanche convient parfaitement au décor du château, le pilote à la robe toute aussi blanche aussi; j’avoue que les deux me conviendraient. Nous nous attendions à voir arriver une vieille dame chancelante et c’est une femme d’une cinquantaine d’années resplendissante de santé et d’allant que nous venons accueillir.
Je me permets de la complimenter sur son élégance.
- Les jeunes gens de votre âge admirent plutôt mon automobile, vous êtes bien Français et digne d’être châtelain.
Monsieur Channaz ne veut pas être en reste et fait des courbettes devant maman, il est vrai quelle aussi a de la classe, elle a revêtu un joli chemisier brodé de dentelle et sa jupe relativement courte dévoile des jambes bien galbées, elle a passé un temps infini dans la salle de bains pour se maquiller, son rouge à lèvres illumine son visage et ses jolis yeux verts sont mis en valeur par le mascara, je la retrouve telle qu’elle était quand elle venait me chercher au bahut.
Les deux femmes se retirent dans le petit salon pendant que monsieur Channaz me parle de sa cliente.
- Madame Dalcroze est une personnalité connue et estimée à Genève et dans notre pays, son mari était un notable respecté, membre du conseil cantonal, administrateur d'une grande banque, il est mort en Italie, dans un accident de voiture, il y a une quinzaine d’années.
Nous guettons la porte qui s’ouvre enfin.
- Nous avons fait fausse route, il ne peut s’agir du même homme, votre papa n’était pas celui que nous avions prénommé Gabriel.
Ma mère opine de la tête.
Je serais tout de même curieux de connaître les preuves pouvant aboutir à une telle conclusion, j’imagine qu’il doit s’agir d’indices intimes, chaque homme doit avoir un comportement personnel, il doit marquer son empreinte particulière que seule l’intuition féminine est capable de déceler, il faudrait que je demande à Nénette, avec son tableau de chasse, elle doit être une spécialiste en la matière. Tout de même, cette déclaration me soulage, les doutes taraudaient mon esprit, et oncle Charles qui parlait d’une exhumation éventuelle de l’inconnu…
La grande dame Suisse est pressée de partir, elle veut rentrer rapidement chez elle.
- J’ai de nombreuses obligations, je regrette mais je pense que nous pourrions nouer des relations, monsieur Montcy, si je vous invite, accepteriez-vous de venir à Genève?
Et comment, j’accepterais tout de cette belle dame.
Monsieur Channaz ne perd pas le nord.
- J’espère également vous revoir madame Montcy.
- Bien entendu et puis il me serait agréable de connaître le véritable nom de ce Gabriel qui était à coup sur un ami de mon mari, un coéquipier peut-être.
- Si nous découvrons son identité un jour, c’est peu probable.
Le dernier regard de madame Dalcroze dans ma direction achève de me mettre en transes, voilà que je tombe amoureux d’une quinquagénaire à présent, je dois être anormal. J’ignore ce que se disent, de l’autre côté du véhicule, Laurent Channaz et ma mère mais les paroles doivent être réjouissantes car les deux interlocuteurs sont radieux, la poignée de mains se prolonge, j'ai crains un moment que l'au revoir se ponctue par une embrassade.
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