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Le grand verger (suite)

Ce soir-là, en passant devant le deuxième étage du donjon, j’aperçois un rai de lumière filtrant sous la porte, ma cousine a certainement oublié de basculer l’interrupteur.

- Entre Olivier.

Je reste bouche bée, un véritable bijou cette pièce, décorée et meublée avec goût et fantaisie à la fois.

- Tu vois, j’ai eu raison de te faire la surprise, qu’en penses-tu?

Je réserve ma réponse pour plus tard, Béatrice ressemble à une collégienne, un joli chemisier blanc, une jupe bleu marine, je m’approche d’elle et l’enlace.

Béa me repousse avec fermeté.

-Je t’en prie Olivier, entre cousin et cousine, ce n’est pas correct et puis tu imagines les risques.

-Quels risques ? Tante Alice m’a dit…

-Elle t’a dit que je ne peux avoir de bébé, et bien si, c’est Vincent qui ne peut procréer, cela arrive aussi chez les hommes, malheureusement.

 

Un crissement de pneus sur le gravier de la cour me ramène à la réalité.

Béa regarde par la fenêtre.

- C’est pour chez vous, vous attendiez de la visite ce soir?

- Non.

Je descends.

La voiture garée dans la cour est une coccinelle l’immatriculation est étrangère, encore plus surprenant.

Maman venait me chercher.

-Un monsieur, il me raconte une histoire incroyable.

 

L’homme est campé devant la cheminée éteinte, il se retourne ; grand, carré d’épaules, un peu voûté, dans les cinquante ans, il est presque chauve.

- Vous êtes le fils? mon nom est Laurent Channaz.

Cet inconnu a un accent, il traîne sur les fins de mots.

- Monsieur vient de Suisse, de Lausanne.

- J’arrive bien tard chez vous, je me suis trompé de route, malgré des cartes routières, c’était bien difficile de vous trouver. Je voulais passer la nuit dans un hôtel et vous rencontrer demain matin, je n’ai rien trouvé sur mon chemin.

- Vous avez mal cherché monsieur, vous avez  un excellent hôtel ici même, dans le quartier de la gare.

- Je sais, votre maman vient de m’indiquer cette possibilité, je vais m’y rendre de suite, avant qu’il ne soit trop tard, puis-je vous revoir et m’entretenir avec vous, demain matin, madame et monsieur?

Nous raccompagnons le visiteur jusqu’à son véhicule, Béatrice vient aux nouvelles.

Maman me semble ennuyée, elle regarde la voiture sortir du domaine sans dire un seul mot.

- Que nous veut ce Suisse?

- Incroyable, il travaille pour un cabinet d’avocats... il vient de m’annoncer que ton père est mort.

- Mais nous le savons, il est malade ce type.

- Mort récemment, il y a quelques mois, à Genève.

- C’est un escroc, il veut nous soutirer de l’argent, demain il va être reçu comme il le mérite.

- Calme-toi Olivier, il m’a montré des photos de l’homme en question; sans reconnaître absolument Jean, il m’a semblé retrouver quelques traits, après tant d’années, il pourrait avoir changé.

- Tu n’aurais pas du  laisser partir ce monsieur, je veux savoir; tout de même, papa est bien mort aux commandes de son avion, en 1940, vous avez eu confirmation.

- C’est la version qui nous a été donnée par la Gendarmerie quelques mois suivant sa disparition, ensuite, à la fin de la guerre, nous avons reçu une lettre de l’armée nous affirmant que son avion avait été abattu et qu’il était mort, mais sans autres explications, pendant plusieurs mois j’espérais son retour, pensant qu’il avait été fait prisonnier puis...je ne sais plus quoi penser, c’est affreux.

Encore une nuit peuplée de fantômes, je hais cet Helvète qui vient troubler notre quiétude, de quel droit vient-il remuer des souvenirs douloureux au point de me faire douter? J’avais questionné grand-père, m’étonnant de ne pas voir le nom de mon père sur le monument aux morts, il m’avait répondu évasivement, trouvant toujours une bonne excuse à cette absence, une fois c’était le manque de preuve du décès, une autre fois c’était en souvenir du disparu qui n’aurait jamais accepté cet honneur posthume.

Je suis tôt levé, je veux avoir l’avis d’oncle Charles.

- Curieux, cette affaire sent l’escroquerie, méfiez-vous, si vous avez besoin d’aide, je suis à votre disposition.

 

- Excusez-moi, j’ai dormi merveilleusement bien, quel calme dans votre village, tout comme dans notre campagne Suisse.

Monsieur Channaz est en pleine forme, il regarde maman d’une façon déplaisante...c’est mon avis... maman doit penser le  contraire, elle lui sourit.

- Vous n’êtes pas certaine que le monsieur que je vous ai présenté sur photographies soit votre mari, j’ai d’autres renseignements le concernant.



27/11/2010
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