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Le grand verger (Suite)

C’est également sur les rives de la rivière que je rencontrais le père Simon, un vieux pêcheur sympathique et original, il me racontait des histoires extravagantes où se mêlaient des nymphes et des diables, des chimères et des dragons, histoires que je croyais vraies et que je m’empressais de rapporter à tante Alice qui se moquait de ma crédulité.

 

Jusqu’à la croix des Barrettes, nous n’avons échangé aucun mot, lancé aucun regard l’un vers l’autre, nous débouchons sur le plateau qui nous offre en spectacle sa mosaïque de champs et de près s’étalant jusqu’au pied des collines boisées. Cet horizon qui est le mien depuis toujours et que j’aime, cette masse forestière qui doit cacher de nombreux secrets,  barrière protectrice qui assure une certaine inimité au village. Les toits ocreux du hameau de Pochères émergent d’un océan d’arbres et j’ai une pensée pour Albert, se souvient-il de moi enfant? J’aimerais le revoir, lui parler, connaître son secret pour séduire les femmes, et savoir quelles sont celles qui ont succombé à ses charmes sauvages. J’apprendrais peut-être que maman… Non, je chasse cette vilaine idée de mon esprit.

Je suggère de prendre la direction d’un bosquet isolé, Béatrice accepte. En abordant le chemin de terre, je sollicite légèrement Gazelle ; aucune transition, la jument s’élance au galop, elle n’attendait qu’un signal pour libérer son énergie. Heureusement que je l’ai sellée car, à cru, j’aurais été prestement débarqué. Je me sens bien, j’éprouve les mêmes sensations qu’avec ma Norton, avec en supplément, cette impression de voler au-dessus des champs. Béa doit être vexée, son vieux canasson aussi, en me retournant, je les vois fondre sur nous, en quelques foulées, le couple nous rattrape et nous dépasse facilement, elle a du style la demoiselle et l’allonge de Bijou a raison de la vélocité de Gazelle. Nous contournons le bois à toute allure et il faut baisser la tête pour éviter les branches, je crains la chute, serre fortement le ventre rond de Gazelle, je vais bientôt  capituler quand enfin ma cousine tire sur les rênes.

 - Formidable, tu vois que nous sommes capables de galoper quoique tu en dises, tu pourras le répéter dans le village, le dire aux imbéciles qui se moquent de nous, je ne suis pas un danger public moi, comme un certain jeune motard fou.

Béatrice est écarlate, elle a perdu sa bombe, elle est ébouriffée, ses yeux brillent de mille feux, elle est... je n’ai jamais vu ma cousine dans un tel état.

Nous mettons pieds à terre et nous asseyons sur un muret de pierres sèches.

- Dommage que tes vacances se terminent, nous aurions fait de belles randonnées ensemble, qu’en penses-tu mon cousin?

- Il me reste encore quelques jours, tu vois, si ton père n’avait pas pris ma moto en otage, nous ne serions pas ici, tous les deux, dans cet endroit tranquille.

- Ce qui prouve que papa est capable de bonnes actions, contrairement à ce que tu insinues si souvent.

Béa rit aux éclats, je crois qu’elle est bien disposée à mon égard, l’impression que mon plan se présente à merveille, à moi de jouer finement, d’agir avec délicatesse, c’est le moment de suivre les conseils de Nénette, aucune précipitation, réfréner mes instincts mais ce  sera difficile, je sens monter en moi une vague de désir rarement ressentie.

- Tu as raison, Olivier, cet endroit est agréable, elle est belle notre campagne, on ne prend pas assez de temps pour l'apprécier, et ces senteurs un peu sauvages.

Ma cousine respire à pleins poumons, sa modeste poitrine trouve le moyen de gonfler la veste, le bouton du haut est sévèrement sollicité, je souhaite que le fil lâche.

- Ne bouge pas Olivier, tu as un insecte dans les cheveux.

Elle se rapproche, tend sa main  longue et fine, je m’en saisis violemment et l’embrasse à pleine bouche.

- Olivier, tu deviens fou.

Fou, c’est le mot qui convient, elle continue à protester mais ne se dégage pas, je poursuis mon entreprise, l’attire vers moi, aucune résistance, elle s’abandonne, se blottit dans mes bras, je prends ses lèvres.

Un baiser un peu timoré mais tellement suave, tellement délicieux, je ferme les yeux, ma main tente une incursion dans l’échancrure de la veste.

- Arrête, je t’en prie arrête, arrête.

Je maintiens mon emprise mais elle réussit à se libérer, ses yeux verts ont d’étranges reflets, elle respire fort, elle est toute pâle à présent, elle frissonne.

- Allons-nous en s’il te plaît il commence à faire frais.

Je cours ramasser sa bombe un peu souillée, nous détachons les chevaux, le retour s’effectue au pas, elle chemine la première sans se retourner une seule fois.

Nous rentrons nos montures respectives, je panse Gazelle pendant que, dans le box voisin elle s’occupe de Bijou, je tente de croiser son regard, elle m’ignore totalement.  Mon timide ‘ à demain’ ne trouve aucun écho, je la regarde monter vers le perron, enfin, elle tourne la tête dans ma direction, porte la main à la bouche et...m’envoie un baiser.



21/11/2010
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