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Le grand verger (suite)

J’entre timidement,  sur la pointe des pieds.

………………………..

- C’est vous Olivier?... Monsieur Montcy pouvez-vous nous laisser seuls avec ce jeune homme.

Je dois avoir une drôle de trombine, Charles me frôle en sortant et m’adresse un regard méchant.

Le brigadier se veut rassurant mais les uniformes m’impressionnent.

- Approche, nous n’allons pas te manger, tu  réponds sans détour et tout ira bien, les accidents sont fréquents lors de disputes, une petite algarade en haut de votre escalier dangereux et c’est la chute fatale.

Je m’efforce de rester serein et maintiens ma version.

- A quelle heure as-tu quitté le domaine?

- Sept heures et demie.

- Le jardinier parle d’une conversation assez animée aux alentours de cette heure-là, des bruits de voix provenant de la tour, il aurait reconnu ton timbre de voix, par contre il n’a pas entendu le bruit de ta motocyclette.

- Je l’ai poussé jusqu’en haut du chemin, sans la démarrer.

- Tu voulais être discret.

- C’est cela, je voulais éviter de réveiller Béatrice, elle me reproche souvent le bruit matinal du moteur.

- Et tu es un gentil cousin, c’est curieux, mademoiselle Béatrice trouve que tu te comportes souvent comme un goujat avec elle, que tu es brutal dans tes paroles, coléreux parfois, ce qui pourrait déboucher sur des gestes inconsidérés.

Le brigadier a raison, j’ai souvent envie de gifler la péronnelle quand elle me traite de poule mouillée, de pleurnicheur, la prochaine fois je ne me retiens plus.

- Nous allons attendre le verdict du docteur, actuellement il examine le corps, lui seul pourra déterminer l’heure du décès, éventuellement nous ferons procéder à une autopsie...assieds-toi, tu es malade?

A la pensée que grand-père pourrait être disséqué, éviscéré, j’ai des nausées, et s’il était resté longtemps avant de mourir, à souffrir atrocement au bas de ce maudit escalier?

- Retourne chez toi, nous te convoquerons plus tard, tu as faim peut-être?

C’est vrai, le brigadier a bien vu, midi est sonné depuis un bon bout de temps, me voici revenu sur terre, les fonctions naturelles de l’homme prennent le dessus sur toutes les tristes pensées. A la maison, je trouve maman prostrée sur son fauteuil, elle aussi est sérieusement secouée par ce drame soudain, elle ne dit mot, je n’ose la déranger, prend un quignon de pain et file dans ma chambre.

 

Je reste peu de temps immobile, je dois voir ma tante, j’ai envie de lui parler, il faut absolument qu’elle prenne ma défense car son mari et sa fille vont me charger, elle doit  expliquer les raisons de mon départ matinal, je n’ai pas eu le courage d’en parler aux enquêteurs.

La voiture du médecin n’est plus dans la cour, par contre les bécanes sont toujours là, je fais le tour de la bâtisse, une chance de voir Alice dans sa cuisine.

- Olivier, tu tombes bien, viens avec moi au grand verger, le vent de cette nuit a du secouer les mirabelliers, j’aimerais faire une tarte.

Excellente idée, le grand verger est un endroit paisible, hors du temps et puis quelques fruits délicieux à se mettre sous le palais, ce n’est pas de refus.

Sur la façade arrière de la demeure, contre les hauts murs orientés plein sud, s’accrochent quelques arbres fruitiers en espalier, des poiriers et des  pommiers toujours parfaitement taillés et  productifs,  quelques abricotiers et même un pêcher portant des fruits une année sur deux mais c’est un délice, cette année, les gelées tardives ont eu raison des fleurs. Au-delà du  potager, un grand mur de pierres sèches entoure un verger, appelé grand verger par tous les occupants du domaine? Cet endroit est agréable, j’y viens souvent, les rangées d’arbres fruitiers procurent  une ombre épaisse et surtout des fruits en abondance, c’est ici que je rencontrais régulièrement grand-père et  l’aidais à ramasser les prunes pour les mettre en tonneaux. J’ai un pincement au cœur en franchissant le portail aux piliers à demi effondrés, je regarde le cabanon enfoui dans les noisetiers, c’est là que nous nous abritions en cas d’averse soudaine, c’est dans ce réduit, au milieu des outils que je  viens décompresser ma libido... mais c’est terminé, je vais revoir Nénette et d’autres, je me sens capable d’affronter n’importe quelle femme à présent.  

- Les fruits sont gros cette année mais rares, on ne peut tout avoir, n’en mange pas trop que je puisse faire au moins une tarte... que veux-tu il faut continuer à vivre.



09/11/2010
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