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Le bois des grives

J’ai l’adresse, je m’y rends sans plus tarder.

Louis Gournand habite une jolie maison à la sortie du village, je le trouve dans son jardin potager et je me présente, c’est un excellent sésame, notre journal est une institution dans les milieux ruraux.

-Mon père vous lisait en prenant son petit déjeuner, enfin pas vous, vos prédécesseurs…Je n’ai jamais dit que j’avais vu Jean Calluis jeter un fusil dans l’eau, j’ai dit que j’avais vu un homme jeter quelque chose, et qu’il était venu à motocyclette…Je ne pouvais l’identifier, la distance, et j’étais face au soleil, quelques minutes plus tard, un jeune homme revenant du bois m’a annoncé que le maire était mort, tué d’un coup de fusil, je lui ai demandé si c’était un accident, il m’a répondu, non, c’est un crime, j’étais secrétaire de mairie à l’époque, c’est vous dire que je connaissais bien Gauthier de Verlimont…Alors aussitôt je suis allé voir les gendarmes pour leur dire ce que j’avais vu, je me doutais que cela avait un rapport avec le crime, ils étaient au château, nous sommes retournés au bord de l’étang avec les pompiers, un jeune sapeur a plongé à l’endroit que je lui indiqué et il a remonté un fusil…Mais je n’ai jamais dit que c’était le fermier,  je suis formel.

-Votre témoignage a été capital.

-Pour retrouver l’arme, c’est vrai, je n’ai fait que mon devoir de citoyen, pourquoi ?

-Vous savez que l’accusé a toujours nié.

-Je sais, moi je ne suis ni gendarme, ni juge, je fais confiance à la police et à la justice de mon pays.

-Vous pouvez me parler du maire ?

-De Gauthier ? D’autres vous ont certainement dressé son portrait, que dire de plus, je n’étais qu’un simple exécutant, mais entre nous, plusieurs fois j’ai eu envie de démissionner, de claquer la porte, je suis resté parce que je suis très attaché à St André, mes ancêtres y sont nés, vous comprenez…Mais pourquoi me posez-vous toutes ces questions ?

Je dévoile le but de mes recherches.

-J’espère que vous ne vous fourvoyez pas.

 

J’aimerais rencontrer Norbert de Verlimont, il a peut-être une idée concernant les circonstances de la mort de son grand frère, j’en parle à Sylvain, notre spécialiste de l’art créatif.

-Je peux t’arranger ça, si nous sommes invités dans son antre, prépare-toi à subir en choc, c’est pire que ce que tu peux imaginer.

 

Je n’avais pas reconnu la charmante voix au téléphone, Jeannette Calluis sollicitait un rendez-vous au siège du journal.

-J’aimerais vous parler en l’absence de papa, si vous êtes d’accord.

Je ne sais pas si c’est en mon honneur, mais la demoiselle était bien différente de celle rencontrée à la ferme de la Tuilerie. Elle sortait  de chez le coiffeur, maquillée, elle était en jupe relativement courte, des chaussures à haut talon qui, d’après sa démarche elle avait l’habitude de porter.

Elle voulait certainement répondre à mon regard interrogateur.

-Je ne suis pas continuellement à la ferme, je travaille pour un éditeur, je fais de la traduction français-allemand et inverse, je viens dans votre ville deux à trois fois par mois.

-Vous avez une telle connaissance de la langue de Goethe ?

-Ma grand-mère maternelle est d’origine allemande, elle vivait souvent avec nous  durant la période où papa était en prison, ou j’allais chez elle, j’ai une licence d’allemand…Je voulais vous parler de maman, avant de mourir, elle m’a confié quelques secrets qui pourraient avoir un rapport avec le crime dont a été accusé papa.

-Si vous avez appris des faits importants, pourquoi ne pas les avoir divulgués aux gendarmes?

-J’avais treize ans à l’époque, le chagrin de perdre celle qui avait rempli un double rôle, celui de maman et celui de chef de famille, et puis je pensais que personne ne voudrait m’entendre.

Les yeux de Jeannette s’embuent.

-Maman travaillait au château avant de rencontrer papa, elle était constamment victime de harcèlements sexuels de la part de Gauthier, naturellement elle ne pouvait porter plainte, d’autant plus que le maire disait partout que maman était une dévergondée, qu’elle était la maitresse de Norbert et qu’elle manigançait pour se faire épouser par le benjamin des Verlimont.

-Ce qui était faux ?

-Oui, sinon elle me l’aurait avoué, et puis vous avez déjà rencontré Norbert ?

-Je ne le connais pas.

-C’est un garçon sympathique mais il vit dans son monde, les femmes ne l’intéressent aucunement, il aurait plutôt des tendances homosexuelles, son frère en avait honte m’a raconté maman, Gauthier voulait virer tout son fatras de sculptures et de tableaux, les scènes entre les deux frères étaient fréquentes et même violentes.

-Vous pensez que la mort du maire pourrait découler de cet antagonisme ?

-Possible, mais je ne le vois pas Norbert capable de tuer son frère.

-Un exécuteur ?

-C’est une possibilité, quand papa évoque un proche, je pense qu’il a une idée mais reste à le prouver.

-C’est ce que vous aviez déclaré lors de ma visite, avez-vous la même idée que lui?

-Il pense à un cousin de maman, Maurice Couturier, cet homme venait en renfort à la ferme durant la fenaison et la moisson, c’était un inconstant, il travaillait également pour la famille de Verlimont en qualité de bûcheron et de jardinier, maman m’en avait parlé, elle en avait peur quand elle était jeune fille, il se montrait entreprenant, après la mort de Gauthier, il a complètement disparu.

-Il devait connaître l’existence des fusils et l’endroit où votre père cachait la clé du local.

-Je pense que oui, c’est plausible, qu’en pensez-vous ?

-Commandité par Norbert, ce cousin était-il chasseur ?

-Dans notre campagne, il y a une vingtaine d’années, tous les hommes valides étaient chasseurs ou braconniers, et puis il avait fait quatre ans d’armée.

 -Et vous dites qu’il n’a plus donné signe de vie après le crime ?

-C’est ce que maman m’a dit, il parait qu’il avait sa moto en réparation chez un garagiste de Valizey et qu’il n’est jamais venu la reprendre.

-Un majeur qui disparait, pas de famille proche, aucune recherche n’a été engagée, où était-il domicilié ?

-Je ne sais pas, il devait être hébergé par les Verlimont, ils ont des logements annexes à côté du château…Si vous revoyez mon père, merci de taire notre rencontre.



31/01/2012
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