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-Les gendarmes m’ont interrogés, en déposant sa plainte, madame Bartin leur avait signalé ma venue dans son bois, elle leur avait part de mon estimation.

Pierre Salvati se dit prêt à coopérer avec la gendarmerie.

-Cette affaire peut mettre un terme aux agissements de brebis galeuses qui empoisonnent notre profession, cette fois ils sont allés trop loin, profitant de la méconnaissance d’Yves Bartin et de son employé en matière de bois.

Avec les indications du scieur, l’enquête était rondement menée, le coupable et ses complices étaient confondus, Paul Godot, c’était bien lui, adjudicataire des bois abattus par la tempête avait employé des bûcherons venus de Pologne, le transport avait été assuré par Marius Richard, la vente des bois à l’étranger était effectivement passée par un courtier, ces deux personnes savaient qu’il s’agissait de bois volés. Quant au garde-forestier, sa responsabilité n’était pas prouvée, sa négligence oui.

Je rencontre maître Rogers à l’issue d’une audience venant de juger un accident de travail sur un chantier, l’avocat défendait l’entrepreneur et il avait réussi à faire parler des témoins qui avaient oublié certains faits lors de leur déposition. La barre est souvent un révélateur, ces témoignages prouvaient que l’accident  mortel était la conséquence d’un chahut.

-Les voleurs de bois seront jugés dans trois mois, pour moi le dossier est prêt.

-Sont-ils solvables, pourront-ils payer le montant des préjudices et des dommages intérêts éventuels.

-J’ai peur que non, nous verrons, mais madame Bartin espère surtout que lors du procès des révélations soient faites  concernant le décès de son mari.

La ligue départementale de football est pressée d’ouvrir son centre d’entraînement, les premiers travaux commencent, pour les terrains, le gazon est déjà en place, trois bungalows ont été implantés à proximité, de nombreux corps de métier sont à l’ouvrage dans la partie basse de la maison. Carole semble heureuse de cette effervescence autour d’elle.

-Yves aurait approuvé cette reconversion.

Quand j’entre dans un café, c’est parfois parce que j’ai soif, le plus souvent pour essayez de glaner des infos intéressantes, des faits-divers que les gendarmes oublient de nous signaler, volontairement ou involontairement.

J’aimerais savoir si l’idylle entre Yves et Marlène est connue des autochtones, les confidences devant le comptoir d’un bistrot sont souvent fiables.

Je choisis le café des Pêcheurs, il est également fréquenté par des ouvriers de l’entreprise Mancini située à proximité, ma dernière intrusion, c’était lors d’une affaire de vol de matériaux au détriment de l’entreprise, un préjudice important. L’enquête avait révélé que c’était l’un des chefs d’équipe qui organisait des détournements, malgré des témoignages considérés fiables, cet employé avait échappé aux poursuites, Gilles Mancini avait curieusement passé l’éponge.

-Comment, encore des agglos qui se sont fait la malle ?

Un accueil classique, que ce soit à Charville.

-Il s’en est bien tiré le beau Patrice, il est monté en grade, c’est comme en politique plus tu voles gros plus tu peux voler haut, les petits voleurs, on les fout en tôle tout de suite.

Je connais mon interlocuteur, il était chauffeur chez Mancini, auteur d’un accident avec son camion alors qu’il était en état d’ébriété, son permis lui avait été retiré et il avait été licencié pour faute grave.

-Il est contremaître maintenant ?

-Contremaître ? Dehors par tous les temps, dans la merdre comme les ouvriers ? Monsieur est en cravate maintenant, homme de confiance de la direction, chauffeur du couple à l’occasion, ils ont bien réussi les Boquet, sa frangine est à Paris, faut voir les toilettes et la belle bagnole, dire qu’elle était bonne chez les Bartin.

-C’est l’employée qui avait découvert le corps d’Yves ?

-Tout juste, elle a tiré le gros lot il paraît.

-Ce Patrice Boquet, il fréquente ce café ?

-Vous plaisantez, plus maintenant, lui c’est le bar Select, le rendez-vous des gandins, vous connaissez, derrière la poste ?

Ce qui m’interpelle en passant devant le Select, c’est une voiture de sport blanche en stationnement, cousine germaine d’une grosse berline bien connue, mon suiveur est dans ce troquet, je veux voir la tête qu’il a.

Je dérange c’est évident, les trois clients installés au comptoir et la barmaid me regardent comme si j’étais un zombie, dans une lumière faiblarde, je reconnais Patrice Boquet, avec sa chevelure blonde en choucroute. La voiture blanche, c’est lui sans aucun doute, il ne me collait pas aux trousses aujourd’hui. 

Je m’installe en bout de comptoir, Boquet me tourne le dos, il discute avec les deux autres, ils parlent bas, comme des comploteurs, la serveuse se mêle à la conversation.

Je suis sur le point de quitter cet endroit quand deux gendarmes font irruption.

L’un des deux me salue.

-Vous êtes déjà là monsieur Passy, vous êtes des rapides à la Gazette Républicaine?

Déjà ? Il se passe donc quelque chose d’anormal à Charville, ces chuchotis n’étaient pas en mon honneur.

Les gendarmes discutent avec le trio de clients, la barmaid s’écarte et vient vers moi.

-Vous êtes journaliste, drôle d’histoire, qu’en pensez-vous ?

Autant avouer que je ne sais rien, que je suis ici tout à fait par hasard.

-Madame Mancini, la femme de Gilles, disparue depuis deux jours.

-C’est peut-être une fugue.

-Une fugue ? Ca m’étonnerait, elle a ce qu’elle veut, Gilles fait tous ses caprices, on parle d’enlèvement, de rançon.

Les gendarmes sortent, je leur emboîte le pas.

-Que voulez-vous savoir de plus, pour le moment nous recueillons les témoignages et menons des recherches dans le secteur.

-J’ai entendu parler d’enlèvement,  les kidnappeurs auraient déjà demandé une rançon ?

-Ce ne sont que des suppositions, à notre connaissance, le mari n’a reçu aucune demande de rançon.

-Quel est le dispositif mis en place ?

-Nous attendons du renfort, dans un premier essayer de retrouver sa voiture, les premiers témoignages sont confus, voyez le chef pour obtenir d’autres renseignements.

-Il est au bureau ?

-Bien obligé il a une entorse.