Motsetphotos

Julien Garassaux et son staff m’ont caché beaucoup de choses, j’en étais sûr, je passe à la scierie et trouve le patron à son bureau.

- Je profite du samedi pour mettre mes paperasses à jour, c’est fou ce qu’il faut faire comme travail administratif, non rentable, je devrais embaucher une employée supplémentaire rien que pour cela. Mon père délaissait ce travail, il préférait galoper dans les bois, le métier évolue, la semaine prochaine je vais en Italie, essayer de décrocher un marché important. La compétition est dure, heureusement, nous avons du bois de qualité, une marchandise que les Japonais ne peuvent imiter.

- Vous avez une qualité spécifique à Mauzieux ?

- De très beaux chênes, d’une belle couleur et d’une structure intéressante pour les trancheurs, et puis nos hêtres ont des cœurs blancs ; quelques kilomètres plus loin, les arbres sont moins beaux.

- Je viens de bavarder avec quelques uns de vos administrés.

Je donne les noms.

- Vous êtes tombé sur les meilleurs, Bob et Secundo sont des colporteurs de ragots, pire que des femmes, Etienne paraît plus sérieux mais s’y entend pour distiller du fiel, quant à Sylvain il est discret, et pourtant ce garçon doit savoir beaucoup de choses sur les mœurs de mes administrés, une tradition ici, les rendez-vous galants ont souvent la forêt pour cadre, il m’est arrivé aussi de surprendre des couples dont quelques uns illégitimes.

Julien m’ouvre une porte, je m’y engouffre.

- Votre père était un homme en pleine forme...

- Je vous vois venir monsieur Passy, ne comptez pas sur moi pour parler des aventures de mon père, j’ai toujours respecté sa vie privée, jamais nous n’avons effleuré un tel sujet, depuis que maman est morte, il était libre. La seule chose que je peux affirmer, c’est que durant la longue maladie de son épouse, il est resté digne, passant des nuits entières à son chevet... ensuite...un homme est un homme que voulez-vous...toutefois, j’admettrais que sa mort découle d’une vengeance, éventuellement d’un jaloux, justement, à vous de jouer... Voyez il était délicat de mettre les gendarmes sur une telle piste, ils mettent souvent les pieds dans le plat et font des éclaboussures.

Il m’est difficile d’aller plus loin avec le fils Garassaux, de citer  la femme du receveur des postes par exemple, c’est auprès de ses amis que je pourrais effleurer le sujet...les yeux gourmands de la bande des quatre quand l’un d’eux a parlé d’Elisa...effleurer le sujet, c’est une bonne idée, au moins du regard... je suis curieux.

- Fernand Maillard avait un joli magot. 

- Possible, il gagnait bien sa vie, travaillant comme un forçat, avec ça avare pire qu’Harpagon, c’est sûr qu’il devait avoir un beau paquet de côté. A savoir si cet argent a été découvert, c’est une autre histoire, c’était un malin, il devait avoir une bonne cachette.

Je parle aussi d’Isabelle Lemarquis et de son jeune associé.

- Vous avez fait le tour, alors avec ce que vous entendu, vous croyez encore que les trois décès sont accidentels ? chaque victime avait un bon motif pour disparaître, trois assassins différents peut-être.

- Vous allez sur Serville ?

A ma réponse affirmative, la jeune femme ouvre la portière et s’installe à mes côtés, sans demander mon autorisation. Pourquoi m’étais-je arrêté ? il est rare que je réponde positivement au signe d’un auto-stoppeur, fut-elle une auto-stoppeuse, la raison principale étant que trop souvent ces piétons qui aimeraient changer de régime se placent à des endroits dangereux. Ce n’était pas le cas de la demoiselle aux cheveux verts et rouges, à la jupe ultra courte, elle était postée sur un petit parking situé à la sortie de Mauzieux, je pouvais stopper sans risques.

- Pas chaud aujourd’hui

- Oh ça va encore.

J’avais compris, la conversation allait se cantonner à quelques phrases banales. La demoiselle avait posé son immense sac sur ses genoux, masquant des cuisses largement dénudées.

- C’est bon, vous pouvez me laisser après le rond-point...merci monsieur.

J’avais tout de même droit à un joli sourire.

……………