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La nymphe vengeresse

- Julien ne vous a pas raconté, ou quelqu’un d’autre ?

- Quoi donc ?

- Je connaissais Tito comme tout le monde,  il travaillait de temps en temps pour mon père mais notre dernière rencontre date du 28 janvier 1994 c’était sur la route de Mareuil, j’étais coincée dans une voiture qui venait de déraper sur une plaque de verglas, nous étions quatre, deux garçons et deux filles, les trois autres ont été éjectés et se sont retrouvés en bas du ravin, légèrement blessés mais ils ne pouvaient plus remonter. Heureusement, Joseph passait sur la route, avec bien du mal, il a réussi à stopper une voiture. Pendant que l’automobiliste allait chercher du secours, Tito est resté près de moi, j’avais froid, il m’a recouvert de son blouson, me parlait et m’encourageait avant que je m’évanouisse...voilà, sa mort m’attriste.

Un silence pesant flotte sur la pièce, j’ai presque envie de me lever et d’embrasser Marie-Lou...

- Votre sœur vous rend visite régulièrement.

- Vous savez tout, et c’est à elle que j’ai confié les deux lettres.

- Qu’elle a postées à Serville pour brouiller les pistes, deux plus une.

- Comment plus une ?

- Celle que mes amis gendarmes ont reçue.

- Je n’ai jamais écrit aux gendarmes, pour leur dire quoi ? j’ai de mauvais souvenirs de la gendarmerie, alors que j’étais sur un lit d’hôpital, que je venais d’apprendre que je marcherais plus jamais, ils sont venus me cuisiner, ils voulaient savoir comment s’était produit l’accident, qui conduisait, enfin des tortures supplémentaires.

Les corbeaux  volent bas cet hiver, je suis obligé de croire mon interlocutrice, je vais soumettre ce problème au capitaine Charlier via l’adjudant Bertrand.

- Que pensez-vous des soupçons qui planent sur le fantôme de Joseph Radzic ?

- Des soupçons ? que voulez-vous dire ?

Tous les bruits qui courent à Mauzieux ne traversent pas les vitres de Marie-Louise, je parle des témoignages accablant le disparu.

Marie-Lou agrippe le bord de la table, son fauteuil doit être monté sur roulements à billes, elle roule jusqu’au bout du meuble, ouvre un tiroir et en extrait un dossier.

- Si j’ai bonne mémoire, monsieur Maillard est mort en février, la date exacte ?

- Février d’accord, la date, je ne me souviens plus ?

- Attendez, je vais retrouver cela.

Mademoiselle Galley allume sa lampe de bureau et feuillette le dossier.

- Le 12, papa m’a annoncé cette triste nouvelle le lendemain...attendez, c’est bien le 12, tenez, lisez vous-même, ce que j’avais écris ce fameux jour.

L’écriture manuelle est régulière et soignée.

Dix heures cinq : Joseph vient de passer, il devait être pressé car il ne m’a pas fait le petit signe habituel.

Suivent quelques remarques concernant les passants et un autre paragraphe concerne à nouveau Radzic.

Treize heures dix : Joseph rentre chez lui, il a certainement un gros problème, cette fois il a détourné la tête en passant comme pour éviter mon regard.

Le feuillet présenté porte une trace significative, une larme n’a pas été interceptée avant de s’écraser sur le papier.

- Votre conclusion monsieur Passy ?

- Vous aviez raison, monsieur Radzic était préoccupé, lors de premier passage, il se préparait à accomplir un acte criminel et au retour c’était fait, il avait honte en passant devant vos fenêtres.

- J’aurais une autre version à vous soumettre, et si ce jour-là le pilote de la moto n’était pas Joseph ?

- D’autres arguments pour étayer cette hypothèse ?

- Vous réagissez vite, plusieurs détails inhabituels qui maintenant prennent de l’importance. La façon de faire ronfler le moteur, comme pour m’avertir de son passage, Joseph changeait de vitesse juste avant d’arriver sur la place, il rétrogradait et ralentissait, le 12 février, il ne l’a pas fait, ni dans un sens, ni dans l’autre.

- Toujours ses préoccupations exceptionnelles.

- Et puis la façon de se tenir sur son engin, celui qui est passé était plus ramassé, il baissait la tête comme pour se cacher.

- Il avait un casque ?

- Bien sûr, celui de Joseph, un casque intégral au verre fumé.

- Le visage n’est pas visible.

- Non, mais un autre que le motard habituel n’est pas sensé le savoir...et le blouson ! Joseph se tenait droit et il avait comme une bosse dans le dos, à cause du vent, l’autre non...je sais c’est un témoignage bien mince à côté des autres,  je suis persuadée que l’assassin est encore vivant.

- En admettant que vous ayez raison, votre ami Radzic serait complice, il aurait prêté son engin.

- Involontairement peut-être, papa me disait que le bûcheron prenait de belles cuites, qu’il lui arrivait de se coucher à l’aube pour se réveiller le lendemain, papa n’était pas le seul à connaître cette particularité. 

L’épouse de Jean Galley avait frappé avant d’entrer.

- Voulez-vous un autre café ?

- Non merci.

La jolie blonde emporte les tasses et referme la porte doucement.

- Elle s’occupe de vous tout de même.

- Quand papa est absent, c’est la moindre des choses.

- Vous sortez de temps en temps ?

- Sortir, vous n’y pensez pas, pour que les gens se retournent sur mon fauteuil roulant d’un air apitoyé, alors qu’ils se fichent royalement de ma condition...je le sais, j’étais comme eux...avant.

Toujours ce regard terrible qui me donne des frissons.

- J’ai tout ici, je ne manque de ...rien, ma chambre est derrière cette cloison, elle communique avec ma salle de bains et mes toilettes, il n’y a que pour les repas que je me déplace.

- Et pour faire votre courrier sur l’ordinateur et l’imprimante de la société.

- Rarement, ma cartouche d’encre était vide et vous pensez bien que ce n’est pas à Mauzieux que mon père pouvait en trouver une, d’ailleurs elle manque encore.

Avant de lui serrer la main, mon envie d’embrasser Marie-Lou était revenue en force, elle avait trouvé une parade, en donnant une petite impulsion au fauteuil qui reculait de plusieurs centimètres.

- Vous me parliez de votre poste d’observation, avez-vous vu un perceur de pneus agir devant le bureau de poste ?

- En voilà une drôle de question, même si j’avais vu ce genre de plaisanterie, je tairais le nom de l’auteur.

J’aurais eu tort d’insister, une autre fois peut-être.

- Venez quand il vous plaira, pensez à moi, essayez de trouver une entrée dans le cercle d’initiés et...faites votre possible pour innocenter la mémoire de  Joseph.

C’est en sortant de la pièce que je constatais la présence d’un verrou impressionnant à l’intérieur de la porte, mademoiselle Galley craint les voleurs ?

 



14/11/2011
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