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La nymphe vengeresse

 

- Vous savez que la rubrique ...silence n’a pas sa place à la Gazette.

 

- Laissez-moi rire, si vous voulez des preuves, je vous en apporte.

Le militaire a raison, il reste des impératifs incontournables et parfois nous le regrettons.

J’oublie volontairement de montrer le mégot, d’une part cet éventuel indice est bien mince, d’autre part, j’aimerais le faire analyser par un ami policier, il pourra me confirmer la trace de rouge à lèvres et m’indiquer la marque de la cigarette.

Alors que nous prenons congé de l’adjudant, il me fait signe de rester.

- Une information, la lettre anonyme, le papier est de marque Clairefontaine, quatre vingt grammes..

 

Surprise désagréable en arrivant à Mauzieux, l’accès au bourg est impossible, un beau lot de grumes est placé en travers de la route. Nous pensions à un accident, à un chargement perdu par un camion mais la présence d’une trentaine de messieurs en salopette indique qu’il s’agit bien d’un barrage organisé.

 Je descends de voiture et m’approche.

- Déjà la presse, nous venons à peine de nous mettre en place, nous attendions les gendarmes avant vous.

Je bavarde avec le groupe de manifestants, ils veulent attirer l’attention des pouvoirs publics sur les restructurations qui commencent à secouer les entreprises de Mauzieux, l’absorption de Lemarquis par la Mobal a déclenché cette revendication.

- Les grosses boîtes mettent le grappin sur les petites boutiques pour éliminer la concurrence, résultat, des licenciements, du travail à la chaîne qui s’apparente à de l’esclavage, le gouvernement accorde sa bénédiction.

- Bien gentil les grosses sociétés, elles ont souvent des capitaux étrangers, le jour où elles trouvent un meilleur endroit pour s’installer, avec des promesses de primes, elles déménagent.

- Mais vos bois seront toujours là.

- Rien n’empêche de les exporter à l’état brut, seuls les bûcherons et les transporteurs auront du boulot, et encore, ils feront venir des gens d’ailleurs, Mauzieux sera foutu.

Monsieur Limonet se propose de faire le reste du chemin à pied.

- Vous me rapporterez les manteaux et les bottes à l’occasion.

Parmi les manifestants, je reconnais Etienne.

- Entre nous, nous protestons pour la forme, regardez, nous sommes tout juste trente alors que les petits ateliers emploient  plus d’une centaine d’ouvriers, après Lemarquis, ce sera Bannard, puis tous seront absorbés par la Mapal.

Benoît vient de recharger son appareil et entame sa troisième pellicule.

- Je n’ai pas fait le voyage pour rien, tu vois que j’avais raison d’insister pour cette promenade.

 

Les analyses en laboratoire sont aussi performantes dans la police que dans la gendarmerie. J’ai confié deux objets à mon ami l’inspecteur Olivier, il me fait part des résultats.

- Le papier est un Clairefontaine quatre vingt grammes, l’imprimante une Hewlett-Packard, la police d’écriture Times New Roman, taille 12, gras. Pour le mégot, Malboro, rouge à lèvres de chez Bourjois...avec un J comme joie...numéro 12 également,  Rosita.

- Rosita ? c’est le nom de la fumeuse.

- Tout de suite des élucubrations, non, c’est la dénomination du rouge, remarque un tel prénom doit cacher une femme qui vaut le détour, une sorte de danseuse de Flamenco comme j’en rêve. Le mégot, environ  neuf mois d’âge, il était à l’abri de la lumière, tu confirmes ?

- Dans une grotte...la forme des lèvres de Rosita, épaisses et sensuelles, fines et moqueuses ?

- Tu plaisantes mais d’après notre spécialiste, moyennes, la trace ne recouvre qu’une partie du filtre...bon ce détail reste assez vague.

Mon ami flic ne m’avait posé aucune question quand je lui apporté le mégot, pour la lettre, il avait plus ou moins compris.

- Je peux savoir ce que tu mijotes, si tu veux prendre ma place, dis-le, je prends la tienne, elle est certainement meilleure.

Je raconte succinctement ce qui s’est passé à Mauzieux depuis l’accident de Maillard jusqu'à la mort de Radzic.

- Et nos amis gendarmes ont classé les affaires, les paysans et les bûcherons ont de la chance, ils peuvent s’entre-tuer sans risques.

- Tu veux que je ressorte des points d’interrogation que tes services ont transformé en points finaux.

- Tout de suite les grands mots...j’aimerais bien me charger de ces affaires, un mélange d’ésotérisme et d’exotisme avec en prime quelques  femmes jolies et sauvages.

- Aucune chance, la gendarmerie va s’accrocher aux branches.

- Nos amis gendarmes sont beaux joueurs, si des erreurs d’appréciation ont été commises, ils reviendront sur leurs traces.

 

 

 

 



03/11/2011
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