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Le rocher du diable

Le juge Berton avait préparé une mise en scène spectaculaire, j’apprenais les détails en arrivant sur le plateau, Benoît mon photographe préféré et souvent complice m’accompagnait.

- Nous avons deux mannequins du poids et de la taille de monsieur Léonardin, le premier va être simplement  poussé, pour simuler une chute volontaire ou accidentelle, le second sera balancé, nous verrons comment ils arrivent en bas.

Allarig m’avait fait signe qu’il n’était plus le grand chef, en plus du juge, un colonel de son arme était présent.

- Le colonel Francbourg, un nouveau sur la région, il n’a pas encore été reçu officiellement, vous serez certainement invité à son intronisation.

C’est le genre de cérémonie que je déteste mais c’est indispensable pour faire connaissance avec l’arrivant.

- Mais vous savez exactement où se trouve le point de départ de la chute?

- A quelques mètres près oui, une étude a été faite, voyez nous ne négligeons aucun détail, bon excusez-moi, nous descendons réceptionner les mannequins, vous devriez nous suivre, c’est en bas que tout va se passer.

Benoît  avait déjà émis cette idée.

- D’ici c’est impossible de prendre des photos sans faire le plongeon, je prends juste le site et nous y allons, j’aimerais saisir la chute.

La rue de la Carrière est interdite à la circulation, seuls les riverains peuvent circuler librement. Bonne initiative, un attroupement ne cesse de s’épaissir derrière les barrières protégées par les sapeurs-pompiers locaux, Marcel le marchand de sable et nettement plus reluisant en uniforme qu’en civil, il est rasé de frais, a troqué son affreux couvre-chef contre une casquette bleue réglementaire.

- Voyez qu’on avait raison de soupçonner un crime, quel remue-ménage.

Une sorte de distraction pour les gens du bourg,  monsieur Mazoyer, le jeune maire est sur les lieux

- C’est incroyable comme   les gens sont curieux et avides de sensations fortes, et pourtant aucune publicité n’a été faire autour de cette reconstitution, depuis que vous avez parlé de cette falaise dans votre journal, elle reçoit de plus en plus de visiteurs, nous allons mettre  une protection sans attendre le bon vouloir du propriétaire, en cas d’accident c’est moi qui risque les ennuis.            

Le propriétaire de la cabane se lamente.

- Je viens de refaire un toit tout neuf, il va être bousillé une nouvelle fois, les gendarmes m’ont dit que l’état paierait les dégâts éventuels, je me méfie avec l’administration, qu’en pensez-vous ?

Je rassure le brave homme, il sera dédommagé...je ne n’ai pas osé lui dire qu’il devra être patient.

Je repère un collègue travaillant pour un hebdomadaire spécialisé dans les  crimes sordides et autres affaires sanguinolentes et trois photographes du même acabit, ils doivent être à sec de matières premières en ce moment pour s’intéresser à Léonardin, je suis curieux de lire ce qui va s’écrire sur le sujet.

Le premier mannequin rebondit sur une sorte de corniche et sa trajectoire est complètement dévié, il va s’écraser nettement à gauche du cabanon et beaucoup plus en avant.

Après récupération du disloqué qui a perdu  un bras et la tête, ordre est donné d’envoyer le second.

Un beau vol plané, cette fois la chute n’est pas contrariée et c’est à environ cinquante centimètres de la cabane que le mannequin vient s’écraser dans un bruit mat qui donne des frissons, la pénible impression qu’il s’agit d’un véritable corps.

Le juge Berton et les officiers se consultent à l’écart, puis le juge vient vers la presse. Je me fais marcher sur les pieds par un gugusse barbu et dépoitraillé qui sort un micro de sa manche, la caméra suivait, je ne l’avais pas remarquée.

- Nous vous tiendrons rapidement au courant des résultats de cette expérience, comme vous l’avez constaté, à première vue, le second mannequin a suivi la trajectoire de la victime mais nous ne pouvons en déduire formellement que monsieur Léonardin a été projeté dans le vide.

En arrivant sur les lieux, j’avais salué Jean-Pierre Savignot notre correspondant, il revenait dans mon sillage.

- Vous avez un peu de temps messieurs, Louise mon épouse serait heureuse de faire votre connaissance, elle lit plus attentivement vos articles que les miens, c’est une passionnée de feuilletons policiers à la télé, elle connaît souvent le coupable avant la police.

L’ancien employé de sous-préfecture était en dessous de la vérité, je me faisais littéralement alpaguer par une femme vive et souriante.

- Moi j’ai mon idée sur ces deux meurtres, une histoire de cœur.

 - Tout de même la victime n’était plus un jeune premier.

- L’amour et la passion n’ont pas d’âge, il y a que les jeunes pour le croire...ou alors le retraité aurait découvert quelque chose de louche et, peur qu’il parle...imaginez qu’il tombe sur un couple illégitime, les coupables  suppriment un témoin.

Bien gentille la petite dame mais elle nous bassine.

- Vous savez que je suis parente avec une dame que vous connaissez bien... Liliane, c’est ma nièce, ma filleule même.

- Liliane Duchet de l’hôtel de la Falaise ?

- Liliane Roche, c’est son nom de jeune fille, comme le mien d’ailleurs.

 

C’est bien un patronyme commençant par la lettre R que j’attendais,  celle qui a oublié  le mouchoir dans un tiroir d’un appartement de Courbevoie...

- Tu ennuies ces messieurs avec tes histoires.

 

 



20/09/2011
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