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La mémoire oubliée

……………

Je venais à peine de terminer un papier que Séverine la standardiste m’appelle.

-Laurent, je viens d’avoir un appel, la personne, un homme, hurlait en te demandant, mais avant que je bascule la communication, j’ai entendu un cri, comme un bruit de chute et plus rien.

-Tu as noté le numéro ?

-Il est en mémoire.

-D’après les chiffres, il vient de Préval, Champbourg ou Oberville, toi qui a une bonne oreille, sa voix ?

-Une voix forte avec un accent il me semble.

-Un accent italien ?

-Non plutôt alsacien, ou allemand.

Je feuillette fébrilement l’annuaire d’Oberville, c’est bien le numéro de mon ami Hans, après le crime de la barrière, je crains le pire, c’est aussi un ancien de la résistance.

J’avertis la gendarmerie de Montlieu.

-Nous allons sur place immédiatement.

-Je viens aussi mais il me faut vingt bonnes minutes.

A l’entrée d’Oberville, je croise une ambulance, gyrophare allumé, un fourgon de la gendarmerie est stationné devant la cabane.

-Nous l’avons trouvé inconscient, il vient de partir vers l’hôpital, un malaise probablement, nous avons eu peur de découvrir la même scène que chez les Chauby, le téléphone était décroché, sa porte ouverte, je vous attendais monsieur Passy.

L’adjudant Quentin est aimable aujourd’hui.

-Son chien hurlait à la mort, Vincent Vernat, l’un des patrons de la scierie est venu le chercher.

-Il avait un chien, c’est récent.

-Possible, à part ça, vous avez eu des nouvelles de la police à la Gazette?

-Non, pourquoi ?

-Ils vont certainement vous prévenir, ils ont l’autorisation de faire une perquisition dans la maison des Mazard, à Champbourg, plusieurs voisins ont aperçu une lumière dans la bicoque, dont la nuit où les cloches se sont mises à sonner.

-Quand est prévue cette visite ?

-Mardi matin, nous allons travailler en collaboration.

Je prends des nouvelles de Hans, il a repris conscience, je passe à l’hôpital lui rendre visite.

-Vous êtes un parent ?

L’infirmière accepte de me conduire vers la chambre du charbonnier.

-Malgré son âge, c’est un solide, il sera vite sur pied.

-Laurent, t’es vraiment un ami, le docteur m’a raconté, merci, sans toi je serais mort.

-Que t’est-il arrivé, raconte ?

-Un fantôme que j’ai vu, incroyable, on a frappé à la porte, j’ai regardé par la fenêtre, c’était le père Mazard, il était sur l’escalier, j’ai eu la frousse, j’ai pas bougé, il est redescendu et il est parti, c’est pour ça que je t’ai appelé, après je ne me souviens plus, j’étais dans le brouillard, je me suis réveillé dans ce plumard, entre ces murs blancs.

-Tu délires mon ami, le père Mazard, il aurait presque cent ans.

-Un cauchemar alors… un cauchemar.

-Tu avais bu un coup de schnaps de trop.

Je plaisante, mais ce récit renforce ma conviction, l’un des deux fils Mazard a survécu à la déportation, soit Marcel qui devrait avoir dans les soixante ans, soit Gabriel qui aurait cinquante-huit ans, l’un ou l’autre peut ressembler à son père, d’où la confusion de l’Autrichien.

-Ferme ta porte à clé maintenant, tu me fais signe dès que tu es chez toi.



10/03/2012
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