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La carrière blanche (fin)

Je suis fébrile en attendant l’arrivée de la machine,  après l’enlèvement de plusieurs godets, apparaît la carcasse d’une bicyclette, sans les roues,  elles sont un peu plus loin, sous presque deux mètres de pierraille.

-J’allais recouvrir ce remblai de terre arable, j’attendais un temps un peu plus sec, si je me doutais !

-Ne touchez à rien, nous allons faire un relevé d’empreintes.

Cette découverte émeut tous les présents, le commissaire me fait un petit signe de la tête significatif, Benoit peut prendre des photos, demain la une et au moins deux pages de notre journal seront entièrement consacrés à cet événement.

 

Les aveux des deux complices étaient loin d’être spontanés, Olivier me tenait au courant de l’évolution d’un interrogatoire difficile.

-Leur version est la suivante, en passant devant la carrière, ils ont aperçu une bicyclette couchée sur le chemin, Vidal l’a immédiatement reconnue, avec ses sacoches oranges, quand ils ont pénétré dans la cabane, Virginie était étendue sur le plancher, presque nue, morte, ils se sont affolés et se sont sauvés sans donner l’alerte, peur d’être soupçonnés, ils soutiennent mordicus qu’ils n’ont jamais croisé Guy Bertin et son 4/4.

Olivier ajoutait que les deux déclarations parfaitement détaillées sont absolument identiques, trop pour être sincères.

- Quand on est affolé, la perception des faits est différente d’un individu à un autre, ils ont bien révisé leur leçon ces deux lascars.

 

Deux personnes se manifestaient après la parution de notre appel à témoins, nous avions rédigé cet appel différemment de la première fois, en parlant de la fourgonnette et du 4/4. Ces deux automobilistes étaient passés devant la carrière ce fameux mardi dans la matinée et ni l’un ni l’autre n’avait aperçu de bicyclette sur la route ou couchée dans le chemin, par contre, l’un des deux avait été dépassé par une fourgonnette roulant à bonne allure et, de derrière, il n’a vu que le conducteur à bord. Vidal et Celli sont grands, s’ils avaient été ensemble, cela aurait été visible. Le second avait croisé ce même véhicule sans voir s’il y a avait une ou deux personnes à bord, il croit se souvenir qu’il roulait vite. Aucun ne pouvait réellement la décrire, le premier l’a vue plutôt noire, l’autre pense qu’elle était également de couleur foncée. En réalité, la peinture est bleu-nuit. Vidal trouvait la parade, alors que Celli conduisait, il était malade.

-Il explique qu’il a vomi, secoué par ce qu’il venait de voir, il était donc penché, Celli confirme et, quand il est rentré au dépôt de l’entreprise, il a même donné un coup de jet à l’intérieur de la fourgonnette et il en a profité pour faire aussi l’extérieur, un fait confirmé par un employé qui est venu lui annoncer la mort du patron. Nous pensons qu’en réalité il a voulu faire disparaître des traces de boue sur les roues et le plancher, et des traces de sang dans la caisse.

 

Un témoignage venait étayer les soupçons des enquêteurs, celui de la maman de Virginie, elle déclarait aux policiers venu l’interroger que son compagnon avait eu parfois des gestes équivoques à l’encontre de Virginie, son silence était motivé par la crainte de violences, elle ajoutait même que Robert Celli, un habitué de la maison avait eu lui aussi des manières déplacées envers sa fille.

-Elle a évoqué un soir où les deux hommes, revenant d’une tournée dans les cafés du secteur étaient particulièrement éméchés, la jeune fille a réussi à échapper à ses agresseurs, elle est allé se réfugier chez une voisine, nous ne pouvons obtenir confirmation, la dame est décédée depuis janvier dernier… M’informe Olivier.

 

Vidal, dont les empreintes avaient été décelées sur la bicyclette de sa belle-fille trouvait la parade, il l’avait sortie du garage avant de partir, sachant que Virginie allait s’en servir.

Seulement il s’embrouillait quand les policiers lui faisaient remarquer que ses empreintes se retrouvaient également sur les jantes et, poussé dans ses derniers retranchements, il craquait. Comme il fallait s’y attendre, il accusait Robert Celli, son acolyte, lui n’avait été que témoin, quant à Guy Bertin, il continue à nier l’avoir vu à la carrière.

De son côté Celli, adoptait la même ligne de défense, il n’a pas touché à la jeune fille, au contraire, il voulait empêcher Vidal de commettre l’irréparable. La manœuvre des policiers était payante, faisant croire à Celli que Vidal avait avoué le meurtre de Guy Bertin, il recueillait les aveux de l’ancien chef de chantier.

Les deux énergumènes étaient encore dans la baraque quand ils ont entendu un véhicule arriver.

-Je suis sorti le premier, le patron descendait de son 4/4, quand il m’a aperçu, il a voulu remonter, je savais qu’il avait un révolver dans la boite à gants, côté passager, j’ai fait le tour et j’ai été plus rapide que lui, je me suis emparé de l’arme, Marco est arrivé, il m’arraché le revolver des mains et tiré dans la tête à bout portant… je lui ai dit, pourquoi tu as fait ça, tu es fou !

La décision de faire croire à un suicide a été vite prise mais les assassins ont estimé qu’il fallait transporter le corps car le laisser sur place pouvait être dangereux pour eux, l’un étant employé par l’entreprise Bertin et l’autre en sous-traitance, se sachant dans le collimateur de la police en raison de leurs détournements, ils risquaient d’être soupçonnés des deux crimes, c’est du moins le raisonnement que Celli a formulé.    

Ils ont chargé le corps de l’entrepreneur dans la fourgonnette, également la bicyclette de Virginie mais il fallait enlever les roues car la place manquait. Celli s’est mis au volant du 4/4 en prenant soin d’enfiler les gants qui se trouvaient dans le coffre, il connaissait leur existence et l’endroit du sachet. Ils se sont donné rendez-vous au bord de la rivière, à un endroit précis, près d’un gros tilleul, sur la petite route de la vallée peu fréquentée en semaine. Connaissant les habitudes de son patron, Robert Celli a ouvert la vitre et sorti le coude en conduisant, il a traversé un village sans se presser, c’est là qu’il a été remarqué, c’est ce qu’il voulait. Vidal, conduisant la fourgonnette à pris un autre itinéraire pour rejoindre le point fixé, un détour qui l’avait obligé à rouler vite mais tout de même avec une certaine prudence, s’il avait été intercepté par les gendarmes avec son chargement, c’était la catastrophe (sic).

Après la mise en scène permettant de faire croire à un suicide, ils sont revenus sur le chantier de démolition.

Pendant que Vidal remplaçait la pièce de son camion, déjà chargé de gravats, Celli allait l’attendre un peu plus loin pour charger le vélo et les roues. Le camion prenait le chemin de la ferme, la fourgonnette rentrait au dépôt de l’entreprise où le chef de chantier prenait le temps de faire disparaître les traces de boue sur les roues et les portes, également celles de sang à l’intérieur. 

Les complices ont été jugés sur le même plan dans les deux procès, condamnés à la peine maximum, la réclusion à perpétuité. 

 

Très digne, madame Bertin a suivi le procès concernant l’assassinat de son mari d’un bout à l’autre. La veille du verdict, elle était accompagnée par son fils Damien qui, durant toute la séance a fixé l’un après l’autre les deux comparses, les mettant dans une situation inconfortable, le regard accusateur de ce garçon va les poursuivre longtemps, je l’espère.

Elisa me remerciait chaleureusement, la longue poignée de main de Damien était une récompense.

 

Joseph Monti revenait sur sa décision de renoncer au projet immobilier de la carrière, Elisa et Damien lui avait demandé de le réaliser en mémoire de Guy.

 

 



14/12/2011
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