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L'araignée rouge

Il est rare que le patron convoque dans son bureau, chaque jour, il fait le tour de la boutique pour rencontrer chacun de ses collaborateurs, sans un rituel horaire, essayant de tomber sur nous sans crier gare. Heureusement, sa toux de fumeur est un avertisseur et il nous trouve toujours en pleine activité. Que me veut-il ? Généralement, quand il nous fait monter dans son donjon, ce n’est pas pour faire des compliments, que pourrait-il me reprocher ? Mes derniers papiers sur une escroquerie à l’assurance étaient cleans, et puis le rédacteur en chef est attentif, il n’hésite pas à censurer un mot ou une phrase qui risque de créer des problèmes. Il est vrai que dans cette affaire quelques personnes en vue sont mises en cause mais les preuves de leurs malversations ont été établies, même si les aveux sont loin d’être spontanés.

-Alors mon cher Laurent, c’est un peu calme en ce moment, cette année, le mois de juillet est encore plus creux  que les précédents, même les malfrats sont en vacances, que sera le mois d’août, je me le demande ?

-J’ai déjà ressorti quelques affaires anciennes, les lecteurs semblent apprécier ce genre.

-En effet, il ne faut pas s’en priver, justement dans ce registre, j’ai un sujet intéressant à te soumettre, toi qui a bonne mémoire, te souviens-tu de l’affaire Vallon de St Jean ?

-Il y a trois ans, ce monsieur  était accusé d’un crime odieux, abattu par un justicier dès le lendemain, l’affaire doit être classée à présent ?

La ville de St Jean compte environ quinze mille habitants, c’est une sous-préfecture, située à la limite de notre zone d’influence, sur la rive droite du fleuve, seulement dix pour cent des acheteurs de quotidiens lisent la Gazette Républicaine, nos tentatives pour prendre une meilleure part du marché échouent, notre confrère est bien implanté et je pense que notre titre constitue un obstacle, les habitants sont en majorité conservateurs, pour ne pas dire monarchistes. Mes incursions dans cette ville m’ont édifié sur la mentalité de la population, à l’opposé de celle de Viramont, située en face, sur la rive gauche où l’ambiance est bien meilleure. Les deux communes sont séparées par le fleuve et reliées par un seul pont, depuis plusieurs années, alors que l’activité industrielle et commerciale de St Jean est en perte de vitesse, celle de Viramont est au contraire en constante expansion.

-Figure-toi que le professeur de français de Pierre-André est le fils de Jacques Vallon, je l’ignorais,  lors de la fête de fin d’année de l’établissement, nous avons fait connaissance.

-Il est au lycée Saint-Exupéry depuis longtemps ?

-Non, il a été nommé en remplacement de monsieur Lourain qui a fait valoir ses droits à la retraite deux mois avant les vacances, il était fatigué le brave homme, faut le comprendre, avec les jeunes c’est difficile maintenant.

Et je suis persuadé que Pierre-André, le rejeton du patron fait encore baisser la moyenne, j’ai entendu dire que ce n’était pas un lycéen  modèle.

-Je soupçonne ce jeune homme d’avoir demandé ce poste pour une raison précise, d’ailleurs quelques jours après notre rencontre, il a demandé à me voir, je pensais que c’était pour Pierre-André mais il m’a annoncé clairement la couleur.

-Il est persuadé que son père est innocent !

-Tout juste, il désirait consulter nos archives, j’ai accepté,  il avait déjà fait plusieurs incursions dans la bonne ville de St Jean, mais tu connais l’ambiance particulière de cette cité, même sans se présenter, il s’est heurté à des murs, il a même été confronté à des manifestations hostiles rien qu’en évoquant le nom de son père.

-Qu’attendez-vous de moi, que j’effectue des investigations, que je remonte le temps ?

-Tu m’as compris Laurent, non seulement pour aider ce garçon qui, à mon avis a raison de mettre en doute la culpabilité de son père, mais aussi pour empoisonner le concurrent et par la même occasion les notables de St Jean qui, tu le sais détestent notre journal.

-C’est vrai que le fameux justicier n’a jamais été démasqué.

-Justement, tu emploies le mot qui convient, que pourrait-on reprocher à un justicier, sinon qu’il applique la peine de mort, ce qui est illégal, la réaction de l’homme de la rue et même des notables est un sentiment de justice, personne ne pleure la victime, sauf ses proches, nous avons déjà connu des affaires de ce genre.

C’est la gendarmerie qui a mené l’enquête, je me souviens des difficultés rencontrées pour avoir des informations, alors que nos collègues étaient au courant du suivi et diffusaient des articles, nous devions nous bagarrer pour obtenir des miettes.

-Et si nous échouons, si Jacques Vallon était réellement coupable ?

-J’en prends le risque, es-tu d’accord pour rencontrer Sylvain Vallon ?

Monsieur Magnien connait déjà ma réponse, affronter les autochtones de St Jean, c’est un challenge qui me va, il est évident que dans l’affaire Vallon, de nombreuses zones d’ombre subsistent.

-Mercredi après-midi, dans ton bureau, c’est bon ? Entre temps, fais également un tour aux archives pour rafraîchir ta mémoire.



16/12/2011
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