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Un second souffle

Adèle est un peu telle  que je l'imaginais, sans avoir le look d'une vieille fille du  temps passé, le tailleur élégant et le chemisier au large col blanc sont un peu rétros, les  chaussures à talons datent des années 60; son visage peu ridé est très légèrement maquillé, ses cheveux comme me l'avait signalé Nadia sont blancs comme neige, les yeux sont clairs mais légèrement voilés.

- J'ai accepté pour faire plaisir à mon amie de toujours et un peu en souvenir de votre grand-père que mon père estimait... et puis, votre ténacité, étonnante, à croire que vous avez un motif impérieux pour connaître une certaine vérité, je dis bien une certaine vérité car, dans cette lamentable affaire, il y a beaucoup de mensonges.

- J'ai deux bonnes raisons, tout d'abord innocenter mon père, vous le comprenez mais l'autre raison est plus  profonde, plus secrète.

Je parle franchement de la rencontre dans la petite maison du cantonnier, de mon émoi, de la vision de Capucine que je ne peux chasser de mon esprit.

- C'est donc cela... je me souviens encore de son retour ce jour-là, elle ne m'a rien dit mais j'ai compris qu'il s'était passé quelque chose d'important, je n'ai pas osé la questionner, attendant en vain qu'elle me fasse des confidences, je me doutais que c'était un problème qui la touchait personnellement et profondément, Capucine a une sensibilité à fleur de peau... depuis toujours, j'ai voulu la considérer comme ma fille mais je n'ai jamais réussi à percer ses secrets, elle ne s'est jamais confiée à moi.

Adèle pousse un long soupir, ses yeux se troublent encore plus, s'embuent de larmes.

- L'évocation de votre nom, l'endroit particulier de votre rencontre, l'orage qui sévissait, elle ne pouvait qu'être bouleversée, vous imaginez.

- Mais pourquoi mon nom, lisez cette lettre que mon père à écrite à monsieur Lenoir.

- Inutile, Vincent, ce qui s'est passé aux alentours du chalet n'est pas le plus important, qu'un homme ou deux ou plus aient abusé de ma petite sœur ce triste jour n'est que le résultat de circonstances qui concernent directement votre père.

-???

- J'avais de bonnes raisons de me taire, d'éviter cette rencontre, vous me mettez au pied du mur et puisque vous insistez j'irais jusqu'au bout.

Maintenant j'ai peur d'apprendre la suite, j'avais compris que si je m'étais appelé Lenoir ou Vignon, Capucine aurait eu une réaction  différente.

- Je vous ai dit que Paul Demoulin, votre grand-père était un habitué de notre maison, pendant la guerre pour des raisons impérieuses que je n'ai pas le temps d'évoquer et ensuite, pour des affaires de bois, vous l'aviez accompagné une fois, je me souviens encore de cette visite, vous étiez un bambin,  vous aviez eu peur des trophées de chasse de mes ancêtres.

J'avais vu juste en supposant que j'étais entré chez les Fontaine.

- Roger, votre père, est venu voir le mien pour une autre raison, une histoire de braconniers qui sévissaient sur le territoire de chasse de sa société, papa ne chassait plus depuis longtemps mais sa profession d'exploitant forestier lui permettait de savoir ce qui passait dans les bois, de connaître le nom des promeneurs indésirables; le jour de cette visite, Cécile était dans une période calme, il ne faut pas croire toutes les mauvaises langues qui osaient dire qu'elle était continuellement attirée par les hommes, c'était cyclique... allez, disons-le, un peu comme un être primitif, la vue de votre père l'avait émue, pour une fois qu'elle rencontrait un homme paraissant correct, je pourrais presque dire qu'elle en était tombée amoureuse, elle ne  dissimulait jamais ses sentiments et avouait toutes ses envies,  du coup, elle n'avait qu'un seul objectif, se retrouver seule avec lui et croyez-moi elle savait s'y prendre pour arriver à ses fins... malgré nos surveillances constantes, elle savait profiter du moindre relâchement... environ deux mois avant l'épisode du chalet, elle s'est échappée, c'était un dimanche, un jour de chasse au  bois, elle est rentrée dans un état euphorique, jamais je  ne l'avais vue ainsi, je l'ai questionnée et elle m'a avouée avoir rencontré Roger Demoulin, ce qui s'est passé réellement entre eux, je ne peux l'affirmer, je n'ai aucune certitude mais je l'imagine, un homme est un homme, et Cécile avait des arguments pour séduire le plus résistant.

- Mais vous n'avez aucune preuve.

- Je suis d'accord, un doute subsiste.

- Soyons réaliste, vous dites que la rencontre a eu lieu deux mois avant le drame, mon père ne peut donc pas être le père de Capucine.

- Pas cette fois-ci, c'est évident, Capucine est bien née à terme mais, lors de l'épisode suivant, Roger Demoulin figurait bien parmi les six auteurs présumés de cette infamie, pour nous, pour notre famille, ces six hommes sont coupables d'une façon ou d'une autre, acteurs actifs ou passifs vous comprenez.

- Cette lettre.

- La démarche de Cécile n'avait qu'un seul but, revoir celui qu'elle admirait, qu'elle semblait aimer, auparavant, jamais elle n'avait osé s'aventurer aussi loin dans la forêt, elle avait été guidée par un instinct.

Drôle de conception des responsabilités, personnellement je plaide non coupable au nom de mon père, je le dis à Adèle qui maintient sa version.



18/11/2012
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