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Les yeux de la lune

Tous les soirs, j’avais l’oreille collée sur le poste de radio, j’écoutais attentivement les nouvelles du front et notais la progression des libérateurs sur une carte de France. Je trouvais qu’ils mettaient trop de temps à traverser la France, Edouard était de mon avis.

- Les Boches tiennent le coup et les Américains veulent éviter d’avoir trop de pertes, ils ont un mauvais souvenir de l’Argonne en 18, tu connais le cimetière de Romagne.

Je n’avais jamais visité cette nécropole, ni le mémorial de Douaumont, grand-père m’avait promis de m’y conduire après la guerre.

- Les jeunes doivent absolument voir ces immenses cimetières, pour en éviter d’autres.

 

J’allais à la ferme et j’apercevais une voiture noire devant le marchand de grains, je comprenais rapidement la situation, quelques minutes d’attente, un groupe sortait de la maison, entouré de militaires, je reconnaissais Maurice et son chapeau.

Le marchand de grains était propulsé dans le véhicule comme un sac de blé et l’équipage quittait les lieux.

J’avertissais mon oncle.

- Merde...il faut prévenir les maquisards, et tout de suite, si jamais il parle...

- Je peux y aller Edouard, tu risques d’être surveillé, tu as entendu le père Carteret, tout le monde sait que tu rends souvent des visites au magasin de Maurice, beaucoup plus que les autres cultivateurs.

 

Je courais à perdre haleine, Edouard m’avait indiqué la marche à suivre pour rencontrer les clandestins, je devais aller au grand parc, bloquer l’éolienne durant une minute puis la laisser tourner aussi durant une minute, répéter l’opération quatre fois de suite.

Ma curiosité naturelle imposait que je demande des explications.

- A force de vivre dans la forêt, les maquisards connaissent tous les bruits,  le cliquetis de l’éolienne en fait partie, tiens, je te prête ma toquante, ne la perds pas, j’y tiens, c’est un cadeau de ma mère.     

 

- Merci mon petit gars, nous allons changer de quartier, mais ça m’étonnerait que le marchand de grains parle, c’est un costaud...tu ne serais pas le gamin de la dame qui...que...

- Chez qui Michel est passé, oui, où est-il ?

- Assez loin d’ici, avec son groupe, il empoisonne les boches qui acheminent des renforts, ton pote Pierrot est avec lui, ils vont bientôt revenir dans le secteur, au fur et à mesure que les autres reculent.

- Et la libération, ici, c’est pour quand ?

- Dans un mois, peut-être un peu plus...

Je parlais de monsieur Carteret et de sa réflexion, mais aussi du receveur.

- Celui-là on l’a dans le collimateur il ne perd rien pour attendre, allez file gamin, le secteur sent la poudre.

 

Plus de nouvelles de Maurice, sa mère avait essayé de savoir ce qu’il était devenu en contactant la gendarmerie, un véritable mur du silence. Les bruits les plus divers couraient à son sujet, monsieur Drouet disait que, suivant les dires d’un bûcheron il avait été fusillé dans la forêt de Hesse. Edouard supposait qu’il était passé par Verdun et peut-être expédié en Allemagne dans un camp.

- On entend parler de plus en plus de cette histoire de camps d’internement où les juifs et les résistants sont  torturés jusqu'à la mort, si c’est vrai Hitler est pire que le pire des criminels et ceux qui lui obéissent sont des lâches, je suis content de ne pas être Allemand, j’aurais honte.

Simone était anxieuse, elle savait que son mari avait eu des contacts avec Maurice  mais aussi avec les maquisards, quant à grand-père, son gendre était devenu quelqu’un de bien.

- Il s’est bonifié à notre contact mon garçon, à notre contact. 



17/06/2013
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