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Le pont de la concorde

Le pont de la concorde

 

C'était ainsi depuis la nuit des temps, les habitants de Navoye et ceux d'Altrécourt se détestaient. Ces deux villages étaient séparés par la Soulance, une paisible rivière serpentant dans la vallée. Aucun pont ni passerelle ne reliait les deux communes mais, en été, aux basses eaux, il était possible de traverser le lit au gué du Pâquis. Mais à quoi bon aller d'un village à l'autre ? Déjà que les insultes étaient fréquentes, surtout quand un pêcheur Navoyais était en face d'un homologue Altrécourtois. Quand les garçons des deux villages se retrouvaient à la fête patronale du chef-lieu de canton, les insultes dégénéraient souvent en bagarres. C'est à cette fête que Louis Verdier, fils du maire de Navoye faisait connaissance d'Annie Deschamps, fille du maire d'Altrécourt. Les deux jeunes gens se plaisaient, ils avaient dansé ensemble toute la soirée sous l'œil attentif de Madeleine Deschanps, la tante d'Annie qui ignorait que Louis était du clan ennemi. Imaginez le scandale quand, dans les deux familles, les amoureux avaient fait part de leur intention de se marier. Les deux maires savaient qu'en acceptant une telle union, ils seraient battus aux prochaines élections municipales.

-Pas question, je ne veux pas avoir un bâtard pour petit-fils

Verdier et Deschamps avaient eu la même réflexion désobligeante.

L'amour est toujours le plus fort, et quand Annie annonça à ses parents qu'elle était enceinte, la maman cédait.

-Je vais rendre visite à Henri Verdier, il faudra bien qu'il accepte.

Nous étions en été et, retirant ses chaussures, Jeanne Deschamps traversait la Soulance.

Henri résistait mais Louise, son épouse étant venue à la rescousse de Jeanne, les deux femmes  réussissaient à le convaincre.

-Mais c'est moi qui procéderai au mariage, dans ma Mairie, je suis le doyen, vous passerez ensuite devant votre curé si vous voulez.

Une condition que Marcel Deschamps ne pouvait accepter, son honneur était en jeu.

Les habitants de deux villages donnaient leur avis et, naturellement ils se rangeaient derrière leur maire.

Une situation qui risquait de durer alors que le ventre d'Annie s'arrondissait.

Gustave était un cas à part à Navoye, il était né à Altrécourt, par accident disait-il, et c'était un homme sage.

-Les deux maires pourraient les marier en zone neutre, au milieu du gué.

Bonne idée, mais l'automne approche, déjà des premières pluies sont tombées et binetôt le gué ne sera plus traversable, il faut respecter un certain délai pour les bans, et il est impossible d'attendre l'été prochain, le bébé sera né avant.

Pour le malheur du couple, les deux parties restaient sur leurs positions. De chaque côté de la rivière, les jeunes gens, amis d'Annie et de Louis commençaient à trouver cet antagonisme ridicule.

Le 1er janvier, au petit matin, Maurice Saurin, riverain de la Soulance découvrait, enjambant la rivière, une passerelle en bois.

-Ma parole, je rêve, un miracle, c't'ouvrage n'était point là hier.   

Les matériaux avaient été préparés de chaque côté et, pendant la nuit de la St sylvestre, éclairés par la pleine lune, les bâtisseurs s'étaient mis à l'ouvrage.

-Voilà m'sieur le Maire, vous pourrez faire le mariage sur le pont.

Gustave, encore lui, trouvait tout de même que ce ponceau présentait quelques points faibles.

-J'vais vous le consolider avec des poteaux de chêne qui résisteront aux courants quand ce sera la fonte des neiges, je demande des volontaires.

C'est le 14 février, jour de la St Valentin et par un temps printanier, qu'Annie et Louis disaient oui aux deux papas sous l'œil attendri des deux mamans, de Gustave et …des deux Marianne.

-Pas plus de monde sur le pont, on ne sait jamais.

Avant cela, personne n'avait osé franchir la passerelle…Enfin, c'est ce qui se disait de chaque côté, car, durant un mois et demi, quelques clandestins avaient sauté le pas, l'ère des mariages entre les jeunes de Navoye et d'Altrécourt venait de débuter.

-Au moins, on est certain qu'il n'y aura pas de consanguinité…

Un excellent prétexte pour effacer une vieille querelle.

 

C.C

   



30/06/2009
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