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La fontaine aux miracles

Le village de Bellefontaine était niché au pied d’un important massif forestier et cette proximité était propice aux légendes. La plus connue concernait la Fontaine-aux-Chênes, une source située en plein bois, accessible par un petit sentier escarpé. Depuis plusieurs siècles, les épouses supposées stériles venaient tremper les fesses dans son eau fraîche et, neuf mois plus tard, elles donnaient naissance à un bébé. La dame devait venir seule, si quelques maris avaient la mauvaise idée de les accompagner et de surveiller la trempette, le miracle ne se produisait pas. Quelques malins avaient bien essayé de se dissimuler, mais le génie de la source les détectait de loin. Alfred, un vieux bûcheron, connaissait le secret de cette fontaine miraculeuse, sur son lit de mort, il se confessa au curé du village.

- Puisque je vais au grand jardin, j’vais vous dire la vérité.

Alfred expliqua qu’il avait découvert le pot aux roses.

- Y a une grotte près de la source, elle communique avec l’autre versant de la colline, vous savez, là où se trouve le monastère St Antoine, les moinillons connaissent ce passage, quand une dame vient se baigner… enfin vous imaginez ce qui peut se passer…

Le curé faisait l’étonné, mais il était au courant, quelques paroissiennes scrupuleuses avaient avoué leur infidélité dans le confessionnal ou au moment de l’extrême-onction. D’ailleurs son petit sourire entendu en quittant Alfred laissait supposer qu’il venait lui aussi de temps en temps dans la grotte, revêtu d’un vêtement de bure comme les moines, solidarité ecclésiastique oblige. Quand à la stérilité des dames, à part quelques cas rares, elle n’était pas réelle, c’était plutôt le mari qui n’avait pas la semence nécessaire, mais cela ne se savait pas ou ne s’avouait pas.