La carrière blanche
Yves me donne l’adresse de la Société de Transports Internationaux, j’ai ma petite idée.
-Nous venons de le licencier, ce Vidal, il est inconstant et…
-Soupçonné de détournement de matériaux.
Alain Battistini, le patron de la STI est surpris.
-Non ! Vous me l’apprenez, c’est du gasoil qu’il détournait chez nous en faisant le plein de son camion, un petit manège qu’il avait mis en place probablement depuis plusieurs mois, le responsable des huiles et carburants avait signalé une consommation anormale de gasoil, et cet individu a le culot de nous attaquer aux prud’hommes pour licenciement abusif alors que nous allions passer l’éponge, j’ai prévenu son avocat, nous allons porter plainte.
Je lui présente le carton.
-Ce code ne vous dit rien.
-Non, c’est une énigme ?
-Peut-être que votre chef de garage le sait ?
-Attendez, vous avez raison, c’est probablement la référence d’une pièce de l’un de nos camions, allons voir à l’atelier… Et cette écriture, je crois reconnaître celle de François.
-Oui, c’est bien moi qui ait écrit ce billet, c’est la référence d’une durit, c’était au mois d’avril, Marco était en panne avec son bahut, il m’a présenté la durit percée, mais comme nous n’avions plus cette pièce en magasin, je l’ai envoyé directement à l’agence Renault.
-Vous ne lui avez pas donné de bon de commande ?
-Non, j’étais dans la fosse, je réparais une direction, les mains dans le cambouis, je n’avais pas le temps de remonter, de me laver les mains, c’était urgent, alors j’ai relevé la référence inscrite sur la durit et je l’ai écrite sur ce bout de carton, voyez, il y a des traces de graisse, on a un compte ouvert chez Renault, ils n’exigent pas de bon de commande pour des bricoles.
-Vous pouvez voir la date exacte, vous devez avoir le bon de livraison correspondant ?
-Oui, Vidal est venu me le rapporter en fin de journée, je vais vous trouver ça.
La date du bon d’enlèvement correspond bien au jour de la mort de l’entrepreneur et, bien entendu, à celle de Virginie.
-Marc Vidal était seul ?
-Non, il était véhiculé par un contremaître de chez Bertin, vous savez, un grand sec.
-Et d’ici à l’agence Renault, il faut prendre la route de Morcy, passer à côté de la carrière blanche ?
-Pas du tout, par la voie rapide, on est tout de suite à la zone commerciale…Ah oui, mais pour rejoindre ensuite le chantier de démolition, là où tournait notre camion, le plus direct c’est bien par Morcy…
Olivier est clair, à présent je dois stopper mes investigations, il me reproche d’en avoir trop fait.
-Tu m’oblige à mentir à ma hiérarchie, à faire croire que les renseignements que tu me fournis tombent tout seul ou presque.
-Des mensonges pieux !
-Si tu veux, maintenant, à nous de jouer, les gendarmes auraient du trouver ce carton, pourtant ils ont fouillé tous les coins et recoins de cette satanée carrière.
-Vous aussi il me semble.
-Oui, il était bien planqué, peut-être qu’avec le vent, il a montré le bout de son nez.
-La terre blanche dans le véhicule?
-Tu vas être déçu, c’est la même composition qu’à la carrière mais beaucoup d’autres endroits de la région présentent des similitudes, et puis si l’entrepreneur a mis pieds à terre en allant repérer les lieux de ses futures constructions, ton scénario foire.
-Excuse-moi, c’est vrai, je me suis emballé un peu vite.
-Cela nous arrive aussi.
-Et le témoignage d’Henriot ?
-Confirmé par les trois autres chauffeurs, le poivrot risque d’être inculpé de faux témoignage, s’il avait dit la vérité lors de son interrogatoire, l’affaire serait peut-être bouclée, un tel comportement est lamentable et cela arrive trop souvent malheureusement.
-Vous allez interroger les deux suspects ?
-A ton avis ?
Le téléphone sonne, Olivier répond par monosyllabes, la conversation dure, je veux m’esquiver, je dérange.
-Attends Laurent, ça te concerne…
-OK, tu me fais parvenir le rapport le plus vite possible…
L’inspecteur raccroche.
-Tu pourras écrire que nous exploitons toutes les pistes même celles qui nous semblent parfois fantaisistes, le tapis de sol côté chauffeur a parlé, à part la terre calcaire, le labo a trouvé des gravillons et, à ton avis, d’où proviennent-ils ?... De la cour de la STI comme il fallait le supposer… Tu vas me dire tous les gravillons se ressemblent, faux, la cour du transporteur a été traitée avec un produit herbicide et anti-mousse artisanal, un savant mélange concocté par le chef d’atelier…En fait c’est un acide utilisé à l’atelier, mélangé à un décapant et additionné d’eau, le gars avait découvert que ce mélange était efficace, à l’endroit où se nettoyait les pièces de camions, l’herbe ne repoussait plus, il pourrait breveter son produit et lui donner le nom d’Attila.
-Celli a signé sa présence au volant du véhicule de Guy Bertin, chapeau, toutes mes félicitations aux gars du labo.
-Ne leur jette pas trop de fleurs, déjà qu’ils se prennent pour des Sherlock Holmes, nous faisons partie de la même famille, ça tu peux l’écrire.
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