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La carrière blanche

Je passe en revue toutes les informations que j’ai collectées, la mise en scène que semble réfuter l’inspecteur Olivier me parait pourtant vraisemblable, l’endroit était favorable, isolé, en retrait de la route, un assassin pouvait avoir les nerfs assez solides pour l’imaginer et la réaliser, il devait connaitre aussi l’existence du revolver dans le 4/4, à moins que Guy Bertin soit entré dans la baraque l’arme à la main, qu’il ait été désarmé, c’est aussi une éventualité?

Je pense à Marc Vidal, le beau-père de Virginie, un moment soupçonné, il est chauffeur de poids lourds, employé par une société de transports routiers, son alibi pour le jour du meurtre avait été fourni par un conducteur de bull de l’entreprise Bertin, un dénommé Marcel Henriot car Vidal et son camion roulaient pour le compte de l’entrepreneur. Je sais où trouver  ce Marcel, c’est un habitué du café du Bon Coin proche du dépôt de l’entreprise, il y fait étape chaque soir avant de rentrer chez lui.

En effet, le sieur Henriot est seul, assis devant un canon de rouge, ce n’est certainement pas le premier, il a le regard glauque et la langue pâteuse.

-Les gendarmes m’ont assez cuisiné, puis après c’était au tour des  flics, j’ai dit tout ce que je savais, le matin où la gamine a été tuée, Marco roulait son camion, fallait faire vite pour dégager les ruines d’un vieux bâtiment qu’on venait de démolir pour éviter que les gosses du quartier voisin viennent s’amuser dans ce bordel en prenant le risque de se casser une jambe ou même pire, c’est déjà arrivé, c’est moi qui chargeais les camions, quatre bahuts étaient dans le coup, en rotation.

-Sans interruption ?

-Ben oui…enfin presque, Marco est tombé en panne dans la matinée…mais ça je ne l’ai pas dit aux gendarmes.

-Pourquoi ?

-C’est trop compliqué à expliquer.

Je commande un autre canon, je sens que Marcel a des choses à m’avouer.

-Vous comprenez, je croyais qu’ils enquêtaient pour un vol d’agglos et de ciment que le magasinier de l’entreprise avait signalé, Marco n’était pas clair dans cette affaire…Ne le répétez surtout pas, je veux éviter les emmerdes.

-Quand vous avez su, un peu plus tard, que l’enquête concernait la mort de la jeune fille, vous n’avez pas contacté la gendarmerie ou la police ?

-Ouais, j’aurais du, mais vous savez ce que c’est, après ces gars-là vous harcèlent sans arrêt.

-La panne a duré longtemps ?

-Non, c’était une bricole, une durit qui avait lâché, Marco a passé deux ou trois tours, les autres chauffeurs râlaient.

-Combien de temps le camion est resté inactif ?

-J’sais pas, le temps d’aller au dépôt de sa boite, une dizaine de bornes et de revenir, de remettre la durit en place.

-Il est allé lui-même chercher la pièce ?

-Oui, avec Robert, le chef de chantier, il était là avec sa fourgonnette.

-Robert Celli ?

-Ouais, vous le connaissez ? Mais laissez-moi en dehors de tout ça, j’ai la frousse de perdre ma place, je suis sur la balance, heureusement que j’ai de l’ancienneté sinon j’aurais fait partie de la première charrette, on a perdu gros vous savez, Guy était un bon patron… un bon patron !

Marcel renifle bruyamment et vide son verre d’une seule gorgée.

Je sais que Robert Celli a été licencié récemment, soupçonné de détournements de matériaux, une instruction est d’ailleurs en cours.

 

Je passe un coup de fil à l’inspecteur Olivier afin qu’il cuisine à nouveau Marcel Henriot, son mensonge par omission a faussé les recherches.

-Sans plus tarder, je te tiens au courant.

 

J’aimerais rencontrer Yves Fournon, l’ex-adjoint de Guy, actuel directeur de l’entreprise, je contacte madame Bertin.

-Je le préviens, vous avez une préférence pour l’heure, il est surtout au bureau le matin de bonne heure, ensuite il fait le tour des chantiers.

 



04/12/2011
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