Un homme étrange
Un homme étrange
Il habitait près de l'étang de la Tuilerie, une maisonnette à l'écart du village. C'était un homme étrange, toujours vêtu de noir, un vieux chapeau vissé sur la tête. Quand il venait faire ses courses, personne ne lui adressait la parole. Dès qu'il entrait dans la boulangerie, les conversations s'arrêtaient, la boulangère le servait en priorité afin qu'il disparaisse le plus vite possible. Pourquoi cette aversion ? A vrai dire personne ne le savait, certains disaient que c'était un suppôt de Satan. Un bûcheron rentrant un soir de la forêt avait vu de drôles de lumière derrière ses fenêtres.
- De toutes les couleurs, un sabbat de sorcières, sans aucun doute.
On l'accusait de tous les maux, coupable de véhiculer des maladies, de provoquer des accidents, de jeter des mauvais sorts. Une mauvaise récolte, c'était de sa faute, un orage de grêle, aussi, il était l'auteur du moindre larcin commis dans les environs, les enfants en promenade faisaient un détour pour aller à l'étang, évitant de passer devant son jardin, les femmes se signaient et hâtaient le pas.
Poussé par ses administrés, Louis Normand, le maire, avait tout essayé pour qu'il déménage, il avait eu le courage d'aller chez lui pour lui proposer la maison de feu son oncle, située à une vingtaine de kilomètres de Pochères, mais l'homme avait refusé net.
- Il ne veut rien savoir, il dit qu'il ne partira de chez lui que les pieds devant !
Le curé, lui aussi sollicité par ses ouailles, avait décliné toute intervention.
- Donnez-moi des preuves qu'il est possédé du démon, moi il ne me dérange pas, un peu de charité chrétienne.
Ce premier dimanche du mois d'août était particulièrement chaud, après les vêpres, les gosses du village étaient venus en nombre se baigner dans l'étang.
-Le Bernard, il s'est noyé ! Il n'est pas remonté !
Les hurlements des enfants avaient alerté Jean-Baptiste, le garde-champêtre, il sautait sur son vélo et fonçait vers les lieux du drame.
- Ca va, il respire le gamin, il était temps !
Le paria, c'était bien lui, avait plongé dans l'étang, sauvant de la noyade, Bernard Normand, le petit-fils du Maire.
Depuis ce jour-là, Maurice Dumoulin était enfin considéré dans le village, le Maire répétait partout qu'il ne l'avait pas vraiment incité à partir.
- Je savais que c'était un brave homme, je m'en suis rendu compte en discutant avec lui.
Ce que les hommes politiques peuvent être opportunistes!
C.C.
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