Le lendemain de la Libération
Le lendemain de la Libération
Un grand jour pour le village, l'arrivée des troupes américaines. Ce n'était qu'un petit détachement, deux engins blindés et quelques hommes, le gros de la troupe continuait sa progression vers l'est. Les libérateurs étaient fêtés. Quelques évènements avaient terni cette liesse, une dame soupçonnée d'avoir collaboré avec l'occupant avait été rasée par des énergumènes et promenée dans le quartier de la gare, mais d'autres habitants, plus raisonnables avaient stoppé cette parade imbécile, la pauvre dame, comprenant et parlant l'allemand, n'avait que joué un rôle d'interprète entre l'occupant et le maire. Les mêmes individus voulaient « faire la peau » du vieux maire qui, comme disait grand-père, n'avait rien à dire durant l'occupation, qu'à transmettre les ordres.
La fiesta avait duré une bonne partie de la nuit et le village était bien calme le lendemain matin.
C'est alors qu'une nouvelle alarmante était colportée, plusieurs véhicules ennemis, débordés par l'avancée des alliés s'étaient réfugiés dans les bois et venaient d'envahir le quartier de la gare, les quatre américains en poste à l'entrée avaient été tués, ainsi qu'un civil armé d'un fusil. Bien vite les volets se refermaient dans la rue Basse, un enfin blindé arrivait et mitraillait dans les cours, les drapeaux tricolores qui avaient fleuri sur toutes les maisons étaient vite rentrés. Mais il en restait un sur le toit de l'église et les boches tiraient dessus pour le détruire. Grand-père avait trouvé un poste d'observation en soulevant une tuile dans le grenier, avec ses jumelles, il essayait d'analyser la situation.
-Ils sont nombreux, des autos-mitrailleuses, des camions et des motos.
Il me laissait regarder et, en effet, je distinguais ces engins sur la place de la mairie.
-Peut-être d'autres à la gare ?
Pas de repas à midi, les estomacs étaient noués, les rafales de mitrailleuses éclataient un peu partout.
Puis, dans une pétarade, les revenants déguerpissaient.
Un grand ouf de soulagement, suivi d'un bruit infernal.
-Les américains, les américains !
Grand-père les avaient vus arriver.
N'entendant pas les cris de ma mère et de ma tante, je suivais mon aïeul pour voir arriver un char énorme devant l'école, puis d'autres.
La foule se massait autour des mastodontes, les libérateurs en sortaient, ils étaient acclamés.
Je remarquais la présence de nombreux noirs parmi ces soldats, je ne pensais pas qu'il puisse y en avoir autant aux USA.
-Comme en 18, quand ils sont venus en Argonne, les noirs étaient nombreux en première ligne…
Une affirmation de grand-père que je comprenais plus tard.
La suite était moins réjouissante, malgré les vacances, les enfants devaient se rassembler avec l'instituteur pour aller rendre un hommage aux quatre américains et au civil tués.
Les corps étaient allongés dans le hall de l'ancienne gare, recouverts de drapeaux.
Avant les vacances, notre instituteur nous avait "appris" à chanter l'hymne américain, une intention prémonitoire, quant à la Marseillaise, nous la connaissions par cœur, elle était au programme des leçons de chants à l'école mais aussi à la chorale paroissiale pendant l'occupation.
(Extrait des souvenirs d'un enfant durant la Seconde Guerre)
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